L'Écuyère

Uršuľa Kovalyk

Intervalles

  • Conseillé par
    29 mai 2019

    Karolína vit avec sa mère et sa grand-mère dans la Tchécoslovaquie de la fin des années 1980. Lorsque sa grand-mère meurt, elle se retrouve souvent seule, sa mère travaille et fréquente beaucoup d’hommes. La jeune fille fugue alors et se lie d’amitié avec Romana et Matilda dans un centre équestre. Il y a aussi Arpi qui lui fait découvrir les Pink Floyd et la cigarette.

    La vie d'une petite fille devenue adolescente dans ces années-là qui virent le passage du régime totalitaire à la démocratie. La vie de Karolína est relativement détachée du régime politique, même si, les leçons apprises par cœur à la gloire du parti, les règles strictes, les conditions de vie sont bien présentes et n'encouragent pas à l'ouverture d'esprit ni à l'épanouissement. Elle l'est beaucoup moins sur le passage à l'adolescence, sur les rivalités entre enfants. Et puis il y a les rencontres, avec Romana d'abord, puis avec le cheval incarné ici par un vieil et doux étalon nommé Cecil.

    Uršuľa Kovalyk écrit là son deuxième roman paru chez Intervalles après le très bon "Femme de seconde main", déjà traduit par les mêmes garçons. Court roman très différent du précédent, puisque ici, c'est une adolescente mal dans sa peau qui s'exprime. La romancière use d'une langue simplifiée, directe, qui va au plus court et raconte son histoire en moins de 130 pages sans que rien ne manque. Les situations sont parfois tragiques, parfois comiques, le langage est cru sans être grossier. Des exemple ?

    "Une fois que j'ai appris à parler et que ma cervelle a fonctionné à plein, j'ai demandé à quoi ressemblait mon grand-père. Mamie a alors souri mystérieusement avant de sortir du tiroir une photo sur laquelle on voyait un grand monsieur avec une fine moustache noire sous le nez. Il avait les cheveux gras, tenait un chapeau dans la main et une jeune femme avec deux longs traits noirs en guise de sourcils s'appuyait contre lui. Elle portait elle aussi un chapeau, mais le sien était orné de magnifiques fleurs. Mamie a dit que Grand-père était un beau gosse doublé d'un sacré queutard. [...] Elle [Mamie] lui [maman] disait qu'elle avait un clitoris à la place du cerveau. Je m'imaginais qu'elle avait une très belle fleur dans la tête, quelque chose comme un glaïeul." (p.13/14)

    L'humour est parfois plus tragique, plus noir. Karolína étant doté d'un caractère fort, elle ne se fait pas que des amis et doit se défendre contre des attaques pas toujours fines. C'est un roman à la fois caustique et poétique, drôle et émouvant, celui d'une jeune fille qui se métamorphose en même temps que son pays. Uršuľa Kovalyk est une romancière à découvrir rapidement, une plume singulière et riche.