Deux brûle-parfums

Eileen Chang

Zulma

  • Conseillé par
    4 août 2015

    Eileen Chang est une écrivaine née en 1920 qui a commencé à écrire dès ses vingt ans et a fini sa vie en 1995 à Los Angeles. Deux brûle-parfums est écrit en 1943. Je ne suis point féru ni même amateur de littérature asiatique, j'ai toujours un peu de mal à entrer dedans. Ce livre fait un peu exception, parce que j'y ai trouvé beaucoup de charme et d'élégance dans l'écriture, dans les histoires joliment racontées qui sont quand même assez terribles, désenchantées et font la part belle à des personnages qui ont franchi les limites de la bonne société (notamment dans le premier brûle-parfum). Quelques passages descriptifs m'ont semblé longs, répétitifs, mais l'ensemble est plaisant, feutré, rien n'est expressément dit, tout est suggéré ; là où l'on aurait pu faire un roman trash, l'auteure fait dans la délicatesse. Elle crée des personnages en proie aux soucis de l'époque dans la belle société argentée ou en grand désir de l'être. Les passions, les ruses, les mises en scène, la rumeur, rien n'est éludé. Ni même le racisme ordinaire en cours à Hong Kong à l'époque : "Mais oui, (...) je suis une sang-mêlé, moi aussi j'en souffre. Regardez, les seuls partis que nous pourrons trouver, ce sont des garçons comme nous. Certainement pas des Chinois, parce qu'avec notre éducation étrangère nous ne pouvons pas nous entendre avec les Chinois de souche. Pas des étrangers non plus ! Lequel parmi les Blancs qui vivent ici n'a pas de préjugés raciaux ? Et même si l'un d'entre eux voulait un tel mariage, la société s'y opposerait. Celui qui épouse une Orientale, il peut faire une croix sur sa carrière. Personne, de nos jours, ne serait encore assez stupidement romantique pour s'y risquer." (p.69/70) Comme quoi, rien en change...

    Pour résumer : une bien agréable surprise que cette traduction -tardive- d'Eileen Chang qui n'a rien à envier aux meilleurs écrivains occidentaux de l'époque tant par son écriture que par l'ambiance qu'elle crée, charmante, très bonne société anglaise du début du siècle dernier avec des personnages ciselés, totalement coincés par les carcans de la société dans laquelle ils vivent.