Soirée Sine Qua Non : La bibliothèque urbaine essentielle de Patrick Varetz

Réhabiliter la ville par le langage

roman

P.O.L.

La même année que Napoléon Bonaparte naît dans une bourgade de la Sarre un enfant roux dont le père, tonnelier, a servi dans les armées de Frédéric II. À la faveur des guerres de la Révolution et de l'Empire, l'enfant roux - au départ, une sorte d'Allemand - est appelé à devenir l'un des plus illustres maréchaux de France, avant de mourir fusillé à l'angle des jardins de l'Observatoire. Entre-temps, il aura été vainqueur à la Moskova et sur quantité d'autres champs de bataille, héroïque lors de la retraite de Russie, indécis ou calamiteux dans d'autres circonstances, déloyal à l'empereur, traître à la monarchie restaurée, défait à Waterloo et indéfectiblement fidèle à quelque chose d'éclatant et d'obscur. Aujourd'hui, le boulevard qui lui est dédié relie la porte de Saint-Ouen à la porte d'Aubervilliers, à la limite de la ville et de ce qui l'entoure, à travers des quartiers qui ne comptent pas parmi les plus aérés de la capitale. D'autres destins s'y nouent - moins brillants, dans l'ensemble, que celui du maréchal Ney -, d'autres échecs s'y consomment. Celui de Gérard Cerbère, rescapé de nombreuses Bérézinas, désormais retranché avec sa caravane à l'intérieur d'un pilier soutenant le périphérique, celui de Lito, officier des forces armées zaïroises échoué au McDonald's de la porte de Clignancourt. Ou encore celui de Ginka Trifovna, originaire de Ruse, en Bulgarie, âgée de dix-neuf ans et assassinée dans la nuit du 21 au 22 novembre 1999 sur un talus de la rue de la Clôture.


La même année que Napoléon Bonaparte naît dans une bourgade de la Sarre un enfant roux dont le père, tonnelier de son état, a servi dans les armées de Frédéric II. À la faveur des guerres de la Révolution et de l'Empire, l'enfant roux est appelé à devenir l'un des plus illustres maréchaux de France, avant de mourir fusillé à l'angle des jardins de l'Observatoire. Entre-temps, il aura été vainqueur à la Moskova, héroïque lors de la retraite de Russie, indécis ou calamiteux dans d'autres circonstances, déloyal à l'empereur, traître à la monarchie restaurée, défait à Waterloo et indéfectiblement fidèle à quelque chose d'éclatant et d'obscur.Aujourd'hui, le boulevard qui lui est dédié relie la porte de Saint-Ouen à la porte d'Aubervilliers à travers des quartiers qui ne comptent pas parmi les plus paisibles ou les plus aérés de la capitale. D'autres destins s'y nouent, d'autres échecs s'y consomment. Celui de Gérard Cerbère, rescapé de nombreuses Berezinas, retranché avec sa caravane à l'intérieur d'un pilier soutenant le périphérique. Celui de Lito, officier des forces armées zaïroises échoué au McDonald's de la porte de Clignancourt. Ou encore celui de Ginka Trifonova, une jeune Bulgare, assassinée une nuit de novembre 1999 sur un talus de la rue de la Clôture.
La même année que Napoléon Bonaparte naît dans une bourgade de la Sarre un enfant roux dont le père, tonnelier de son état, a servi dans les armées de Frédéric II...


Ayant largement passé le cap de la cinquantaine, un homme qui aurait pu devenir capitaine au long cours, jadis, s'il avait été moins paresseux, entreprend un voyage de plusieurs mois sur le littoral français. Apparemment guidé par sa fantaisie, il séjourne dans la plupart des villes présentant une activité industrielle et portuaire conséquente. À Saint-Nazaire, c'est l'époque où s'achève la construction du Queen Mary 2, à laquelle ont contribué des hommes venus des quatre coins de la planète. À Calais, les immigrants vivent clandestinement dans l'attente d'un hypothétique passage vers l'Angleterre. À Dunkerque, alors que l'on s'apprête à détruire un bâtiment hautement symbolique de son passé, la communauté des dockers ne parvient pas à surmonter les déchirements entraînés dix ans auparavant par la réorganisation de la profession. Au Havre, la population d'un quartier enclavé dans la zone portuaire se voit peu à peu cernée et menacée d'étouffement par les conteneurs. Près de Marseille, sous le vent des usines pétrochimiques de Lavera, un hôtel condamné par les règlements de sécurité vit ses derniers jours, tandis que tout autour prolifèrent les chats errants. Et ainsi de suite. Chemin faisant, il apparaît que des souvenirs plus ou moins obscurs lient le narrateur à certains des lieux qu'il visite, et ainsi se dessine progressivement, en filigrane, une sorte d'autobiographie subliminale.


Ayant passé le cap de la cinquantaine, un homme qui aurait pu devenir capitaine au long cours, jadis, s'il avait été moins paresseux, entreprend un voyage de plusieurs mois sur le littoral français. Apparemment guidé par sa fantaisie, il séjourne dans la plupart des villes présentant une activité industrielle et portuaire conséquente. Saint-Nazaire, Calais, Dunkerque, Le Havre, Marseille-Fos, autant d'étapes où la trajectoire du voyageur croise celle des hommes venus des quatre coins de la planète pour la construction du Queen Mary 2, des dockers déchirés par la scission de leur syndicat ou des clandestins vivant dans l'attente d'un hypothétique passage vers l'Angleterre… Chemin faisant, il apparaît que des souvenirs plus ou moins obscurs lient le narrateur à certains des lieux qu'il visite, et ainsi se dessine progressivement, en filigrane, une sorte d'autobiographie subliminale.
Ayant passé le cap de la cinquantaine, un homme qui aurait pu devenir capitaine au long cours entreprend un voyage de plusieurs mois sur le littoral français. Chemin faisant, il apparaît que des souvenirs plus ou moins obscurs lient le narrateur à certains des lieux qu'il visite...


Vous êtes Viviane Élisabeth Fauville. Vous avez quarante-deux ans, une enfant, un mari, mais il vient de vous quitter. Et puis hier, vous avez tué votre psychanalyste. Vous auriez sans doute mieux fait de vous abstenir. Heureusement, je suis là pour reprendre la situation en main.

"Le tour de force de Julia Deck consiste à installer son lecteur dans la tête de la meurtrière, dont le nom est aussi le titre du livre, Viviane Elisabeth Fauville. D’emblée, nous sommes captifs de ses failles, nous entendons les voix qui lui disent des choses banales, mais saturées de paranoïa. Julia Deck entremêle les fils de deux enquêtes à travers les rues de Paris : celle de la police sur l’entourage du médecin, et celle de la littérature sur les confins de l’humain. Son polar fêlé nous fait découvrir une mère aussi haineuse qu’indulgente, un mari en souffrance, et un bébé qui, comme tout le monde ici, ne demande qu’à s’exprimer. Ainsi la plume de Julia Deck reconstitue-t-elle cette scène sanglante, innommable, où la folie s’inscrit à même les corps. Gare à ceux qui s’aventurent à lui faire face. Ils risquent de se trouver touchés au vif." Jean Birnbaum, Le Monde.