La genèse d'une hérésie

Ce livre, consacrée à la pensée de Jan Patočka se penche dans sa première partie sur la préoccupation majeure qu’est l’élucidation de la donation du monde comme tel et du mode d’être originaire de l’homme au monde de la vie. Ce thème marquant, révélateur de la profonde influence d’Edmund Husserl et de ceux qui, autant en France qu’en Allemagne, en ont entrepris une lecture critique, reçoit ensuite l’éclairage d’un second foyer systématique avec une série d’études sur la conception patockienne de l’historicité de l’existence humaine, plus ouverte à l’inspiration heideggérienne. Le monde naturel et l’histoire sont les deux grands thèmes de la pensée de Patočka, thèmes qui, se conjuguant et s’opposant dans un mouvement complexe d’approximation et de distanciation vis-à-vis des deux fondateurs de la phénoménologie, entretiennent une relation de tension caractéristique de l’ensemble de son œuvre, tels – pour reprendre l’expression de Paul Ricoeur – les deux foyers d’une ellipse.
Sachant comprendre et intégrer même les expériences les plus négatives de l’existence humaine et reposer la question de leur sens, la philosophie de Patočka comporte par ailleurs un moment expressément dissident, lié à l’importance centrale qu’elle accorde à la liberté de l’esprit et qui implique une prise de distance radicale avec le monde donné. Le volume se clôt sur cette transcendance constitutive de la vie philosophique, qui ne conduit pas chez Patočka à une position contemplative, « en dehors du monde », mais peut, en tant que pensée engagée, former directement la vie pratique.