Aime Cesaire, une traversée paradoxale du siècle, une traversée paradoxale du siècle
EAN13
9782909240725
ISBN
978-2-909240-72-5
Éditeur
Ecriture
Date de publication
Collection
Biographies
Nombre de pages
400
Dimensions
22,5 x 14 cm
Poids
380 g
Langue
français
Code dewey
841.91
Fiches UNIMARC
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Aime Cesaire, une traversée paradoxale du siècle

une traversée paradoxale du siècle

De

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Biographies

Indisponible
DU MÊME AUTEUR

En langue créole

Marisosé, roman, Presses universitaires créoles, 1987 (traduction française de l'auteur : Mamzelle Libellule, Le Serpent à plumes, 1995).

Kôd Yanm, roman, K.D.P., 1986 (traduction française de G. L'Étang : Le Gouverneur des dés, Stock, 1995).

Bitako-a, roman, GEREC, 1985 (traduction française de J.-P. Arsaye : Chimères d'En-Ville, Ramsay, 1997).

Jou Baré, poèmes, Grif An Tè, 1981.

Jik dèyè do Bondyé, nouvelles, Grif An Tè, 1979 (traduction française de l'auteur : La Lessive du diable, Écriture, 2000).

En langue française

Adèle et la Pacotilleuse, roman, Mercure de France, 2005.

La Panse du chacal, roman, Mercure de France, 2004.

Le Barbare enchanté, roman, Écriture, 2003.

Nuée ardente, roman, Mercure de France, 2002.

La Dissidence, récit, Écriture, 2002.

Brin d'amour, roman, Mercure de France, 2001.

La Lessive du diable, Écriture, 2000 ; Le Serpent à plumes, 2003.

Le Cahier de romances, récit, Gallimard, 2000.

Canne, douleur séculaire, ô tendresse !, album, en collaboration avec David Damoison, Ibis Rouge, 2000 (prix du Salon du livre insulaire d'Ouessant).

La Dernière Java de Mama Josépha, récit, Mille et Une Nuits, 1999.

Régisseur du rhum, récit, Écriture, 1999.

L'Archet du colonel, roman, Mercure de France, 1998.

Le Meurtre du Samedi-Gloria, roman policier, Mercure de France, 1997 (prix RFO).

La Baignoire de Joséphine, roman, Mille et Une Nuits, 1997.

La Vierge du Grand Retour, roman, Grasset, 1996.

Contes créoles des Amériques, contes, Stock, 1995.

La Savane des pétrifications, récit, Mille et Une Nuits, 1995.

Les Maîtres de la parole créole, contes, Gallimard, 1995.

Bassin des ouragans, récit, Mille et Une Nuits, 1994.

Commandeur du sucre, récit, Écriture, 1994.

L'Allée des soupirs, roman, Grasset, 1994 (prix Carbet de la Caraïbe).

Ravines du devant-jour, récit, Gallimard, 1993 (prix Casa de las Americas).

Lettres créoles : tracées antillaises et continentales de la littérature, essai, en collaboration avec Patrick Chamoiseau, Hatier, 1991.

Eau de café, roman, Grasset, 1991 (prix Novembre).

Éloge de la créolité, essai, en collaboration avec Patrick Chamoiseau et Jean Bernabé, Gallimard, 1989.

Le Nègre et l'Amiral, roman, Grasset, 1988 (prix Antigone).

Ce livre constitue une édition revue et complétée de Aimé Césaire, une traversée paradoxale du siècle, paru en 1993 aux éditions Stock.

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34, rue des Bourdonnais 75001 Paris.

Et, pour le Canada, à
Édipresse Inc., 945, avenue Beaumont,
Montréal, Québec, H3N 1W3.

eISBN 978-2-3590-5132-2

Copyright © Écriture, 2006.

À Siméon Piquine.

« Mon Dieu... Mon Dieu... Que vous êtes français ! »

(Premiers mots du discours
du général de Gaulle en 1964,
sur la place de la Savane,
à Fort-de-France.)

« J'ai parlé du retard culturel martiniquais. Précisément, un aspect de ce retard culturel, c'est le niveau de la langue, de la créolité, si vous voulez, qui est extrêmement bas, qui est resté [...]au stade de l'immédiateté, incapable de s'élever, d'exprimer des idées abstraites... »

(Aimé Césaire, interview-préface
à la réédition de la revue Tropiques,
J.-M. Place, Paris, 1978.)

PREMIÈRE PARTIE

IDENTITÉS, EXILS ET NÉGRITUDE

1

Identités et exils

Il s'agira d'une île...

Il s'agira d'un peuple...

Il s'agira d'une langue...

Il s'agira d'un homme... et de leurs destins mêlés. Sache d'emblée, lecteur d'ailleurs, et rappelle-toi, lecteur de céans, qu'ici là, de ce côté-ci de l'Atlantique, s'épelle une manière de langage qui, depuis le temps de l'antan, se cache sous la flamboyance du français pour héler sa propre vérité. Ainsi « mêlés » y signifie aussi (et surtout) « dans le plus extrême embarras ».

Et désormais que l'on ne clame plus que le mot « île » est une invite au rêve !

Car cette once de terre au beau mitan de l'archipel des Antilles, la Martinique, est « une version du paradis absurdement ratée1 ». Ce peuple, « une foule criarde si étonnamment passée à côté de son cri2 ». Cette langue, le créole, un parler dont « le niveau [...] est extrêmement bas, qui est resté [...] au stade de l'immédiateté, incapable de s'élever, d'exprimer des idées abstraites3 ». Cet homme, Aimé Césaire, « habite au versant d'un grand désastre4 ».

En un mot, ici là, « le ciel bâille d'absence noire5 ».

Mais encore ? clameras-tu, ô lecteur d'ailleurs insatisfait, qui ne goûte peut-être point l'obscur minerai de la poésie. Eh bien, voilà : la Martinique est une île de 1 100 kilomètres carrés, située à l'en-haut de l'équateur, à quelques encablures du rêve nord-américain, arrachée au continent, tout comme ses voisines, par la mystérieuse dérive des plaques tectoniques, qui vit depuis trois siècles et cinquante-huit années à l'heure de l'Hexagone français (et, depuis peu, de la Communauté européenne).

Voilà encore : les Martiniquais sont un peuple résultant de l'amalgame forcé (et forcené) d'une multitude de peuples. Autochtones caraïbes vivant là depuis quatre mille ans et dénommés Amérindiens par les « découvreurs » européens. Métissés puis décimés par ces derniers qui s'installèrent définitivement dans l'île en 1635 de l'ère chrétienne. Européens qui importèrent d'innumérables cargaisons de « bois d'ébène » de la côte ouest de l'Afrique qu'ils mirent en esclavage, deux siècles durant, dans les champs de café, de coton, de tabac et de canne à sucre. Qu'ils métissèrent également. Et pardessus tout cela, l'arrivée d'Hindous, de Chinois et de Levantins, broyés à leur tour dans cet inattendu maelström. Tous victimes de l'éternelle dérive des peuples qui semble presque toujours s'effectuer d'est en ouest, comme si elle s'acharnait à suivre, par quelque étrange aimantation, la trajectoire du soleil. Francis Affergan note : « Dès l'origine, la Martinique, comme si déjà elle s'estompait dans sa fin, n'est que mélange et confusion6. »

Voilà ensuite : une langue, le créole, moult fois orpheline, reniée par les colons blancs qui participèrent à sa création, dès le XVIIIe siècle ; par les Mulâtres au XIXe siècle ; par la petite bourgeoisie noire au début du XXe siècle et par l'indienne au mitan du même siècle. Langue pitoyable et grandiose tout à la fois. Belle et inquiétante dans le même ballant.

Voilà enfin : un homme, Aimé Césaire, fruit également de la dérive des cultures, lointain descendant d'Africain, élevé en Amérique, baignant dans un foisonnement créole et nourri, dès la plus tendre enfance, de culture judéo-chrétienne et gréco-latine.

Une île comme en exil d'un continent, l'Amérique7.

Un peuple comme en exil de sa race, ou plus exactement de la principale composante de sa race mélangée, la nègre, dont deux Blancs éminents s'étaient faits les chantres au XIXe siècle. D'abord l'abolitionniste Victor Schoelcher qui écrivait : « Tout homme ayant du sang africain dans les veines ne saurait jamais trop faire dans le but de réhabiliter le nom de Nègre auquel l'esclavage a imprimé un caractère de déchéance ; c'est peut-on dire, pour lui, un devoir filial8. »

Puis Arthur Rimbaud qui proclama à la face du monde : « Je suis une bête, un Nègre » dans Une saison en enfer.

Un homme comme en exil de lui-même, le Poète, armé d'un verbe incandescent, tellement incandescent qu'il stupéfia André Breton lors d'une brève escale du chef de file du surréalisme à Fort-de-France, en 1941, sur sa route vers New York où il fuyait l'indignité pétainiste. Qu'il impressionna Benjamin Péret qui écrit : « J'ai l'honneur de saluer ici un poète, le seul grand poète de langue française qui soit apparu depuis vingt ans9. »

Cet homme-là, Aimé Césaire, a tenté toute sa vie, commencée à l'orée du XXe siècle, d'exorciser ce quadruple exil, en s'aidant des deux seules armes qui furent à sa disposition : les « armes miraculeuses » de la poésie et celles plus prosaïques, plus ingrates, du combat politique. Il y fit montre d'un génie (le mot n'est pas trop fort comme nous le verrons plus avant), d'une détermination et d'un courage qui sont à l'exacte mesure du retentissant et pathétique échec qu'il connaît au soir de sa vie...
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