Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Conseillé par
30 octobre 2015

Emma est un petite fille qui demande énormément d'attention et de temps, elle demande aussi pas mal de manutention, un emplacement réservé est donc un confort dont sa maman ne peut plus se passer. Elle bataille pour l'avoir aussi, lorsqu'il est encombré par des automobilistes qui n'en ont pas le besoin, elle pète un câble. Elle devient alors une véritable louve qui protège sa petite (j'ai préféré cette image à celle de la mégère). Disons qu'elle ose tout ce à quoi on peut penser lorsqu'on voit des comportements inadaptés mais que l'on n'ose pas faire, question d'éducation peut-être ou de limites que l'on ne peut franchir. Corine Jamar a décidé de traité ce thème par l'humour, notamment lorsque ce sont les policiers qui sont garés sur l'emplacement ou lorsqu'elle attache des objets au poteau indicateur d'emplacement réservé, qu'un flic débarque chez elle parce que des voisins ont porté plainte et lui met une amende pour outrage à agent et tentative de corruption : "Quoi ? Quoi ? Je lui avais simplement proposé d'arrondir ses fins de mois en montant la garde sur mon emplacement quand je partais chercher Emma à l'école. Je réfléchis une seconde. Je ne lui avais pas exactement dit : venez monter la garde. Je lui avais dit : venez faire l'épouvantail devant chez moi, vous avez la tenue idéale..." (p.60) Et l'homme là-dedans, parce que la maman semble seule à gérer le quotidien ? Il est là, ne comprenant pas les excès de sa femme, tentant de l'apaiser, de la raisonner, fuyant parfois également, se réfugiant dans son magasin de farces et attrapes. Il faut dire à sa décharge que sa femme ne lui laisse pas beaucoup de place, elle qui préfère donner tout son temps à sa fille.

Le ton résolument humoristique n'ôte rien aux messages, au contraire. Celui de la difficulté de vivre au quotidien avec un enfant handicapé qui nécessite beaucoup de temps et dont on ne sent pas toujours le retour -mais ça arrive, parfois tard, mais ça arrive. Celui de la prise en charge de ces enfants qui ont besoin pour avancer de beaucoup de sollicitations et de consultations de spécialistes pas toujours prises en charge par l'État et qui coûtent cher (Corine Jamar vit en Belgique, mais en France le problème est le même) . Celui du respect de l'autre quelles que soient ses différences. Les thèmes de la naissance, la vie, l'amour, la mort, la jalousie, le désespoir, l'envie, ... tous sont également présents dans ce roman.

Construit en petits chapitres, ce roman ressemble à un journal d'une maman de handicapée, ce que Corine Jamar est. C'est l'histoire d'une mère qui ne peut se résoudre à laisser sa fille handicapée, qui est totalement débordée par le travail qu'Emma lui demande et qui jamais ne songe à déléguer, sûre d'être la plus à même de s'occuper de sa fille et qui ne voit pas qu'elle est proche de l'épuisement non pas professionnel mais personnel. C'est du vécu romancé et surtout mis en mots avec humour. Parce que l'humour fait passer les messages mieux que n'importe quel autre canal. Pari osé parce qu'il n'est pas simple de faire rire avec le handicap. Pari réussi.

Otsiemi, Janis

Jigal

Conseillé par
30 octobre 2015

Issus des quartiers pauvres, Tata, Balard et Benito, la vingtaine, flairent l'aubaine et l'argent facile lorsqu'ils trouvent les photos du président et comme ils préfèrent les petites arnaques au travail, ils foncent dans un plan qui pourrait bien les mener loin de ce qu'ils en attendaient. L'autre trio, Pepito, Kader et Poupon, plus aguerri s'apprête à monter un coup sérieux, acoquiné avec des flics franchement pourris ; ce coup pourrait être le plus beau de leur encore courte vie, trente millions de francs CFA (environ 45000 euros). Et puis, il y a cette histoire de voleurs de sexe : au contact d'un voleur de sexe, les hommes sentent comme une décharge électrique et leur sexe diminue, leurs épouses attestant cette perte de virilité. Janis Otsiemi nous plonge au cœur de la capitale avec les petites gens, pas les hommes d'affaires, ceux qui ont le pouvoir et l'argent, non ceux qui doivent se débrouiller pour vivre.

Il mène avec brio et en parallèle ces trois enquêtes en usant d'une langue absolument merveilleuse, pleine d'expressions ou de proverbes africains, d'argot, de néologismes, de détournements du sens des mots sans que cela ne nuise à la lecture, au contraire mais aussi de français parfait ; il invente sa langue, un peu comme Audiard ou Dard l'ont fait avant lui (aucune comparaison de ma part, juste pour se faire une idée), c'est dire si on se régale à lire ses histoires. Ses héros n'en sont pas et certains d'entre eux, même s'ils sont malhonnêtes, ils ne sont pas totalement antipathiques, on aimerait bien quelquefois qu'ils se fassent gauler pour leur apprendre à vivre mais aussi qu'ils s'en sortent, le système étant totalement gangréné par la corruption, l'argent facile, le piston, ...

Malgré son écriture enlevée et l'humour des situations, J. Otsiemi écrit un polar noir et désabusé, un peu comme si rien ne pouvait changer : les pourris resteront pourris tant que la société leur permettra l'impunité pour agir, protégés qu'ils sont par leur poste, leur bras long ; les magouilleurs le resteront tant qu'ils gagneront plus à magouiller qu'à travailler et tant que des flics véreux les protègeront et profiteront de leurs arnaques ; les petits resteront petits, travailleurs exploités par les patrons, notamment les Chinois qui investissent en force en Afrique et sont impitoyables.

Janis Otsiemi est gabonais, vit dans ce pays. On sent qu'il l'aime et qu'il aime ses compatriotes. Malgré cela, son regard est noir sur la société : la débrouille est un moyen de survie pour beaucoup, l'arnaque itou. Lorsque certains flics sont véreux, ils le sont jusqu'à l'os, ce sont carrément de vrais gangsters. Néanmoins, ils travaillent et ont des résultats. Les politiques veillent au grain, à ce qui rien ne se sache de leurs turpitudes, de leurs penchants, de leurs magouilles, ce qui n'est pas forcément une spécialité gabonaise ni même africaine...

Je finis par cette citation de la quatrième de couverture qui résume tout mon propos :

"Sombre et poisseux comme une nuit africain. Style percutant, propos frondeur, humour désabusé... Avec son talent de griot urbain, Janis Otsiemi fait de chacun de ses romans une pépite de littérature noire."

Naomi HIRAHARA

Editions de l'Aube

Conseillé par
13 octobre 2015

Pas mal sur le papier, le problème est que le roman ne débute jamais vraiment, qu'il est difficile de se retrouver dans les différents intervenants et que à chaque fois que j'ai posé le livre puis repris je me posais la question de savoir ce qui s'y était passé sans avoir de réponse : mauvais signe, lorsqu'on ne se souvient pas de ce qu'on a lu. Puis, je dois ajouter que l'imitation de l'accent de Mas Arai est désagréable à lire : "Ju" à la place de "Je", "brai" pour "vrai". En plus, à chaque fois que son prénom est mis en début de phrase, je le confonds avec le mot "Mais", ce qui m'oblige à revenir en arrière. Et pour finir, le texte est truffé de mots japonais dont la définition est notée en fin de volume, mais qui auraient pu être évités et qui alourdissent la lecture. Trop de désagréments pour que je puisse m'intéresser à cette histoire.

Conseillé par
13 octobre 2015

J'aurais cru que cette histoire me toucherait. Or, il n'en est rien, c'est une suite de saynètes avec des liens entre eux, notamment les personnages : chacune termine par un texte court décrivant l'une des morts que James s'invente ou une lettre qu'il écrit à son père ou que son père lui écrit de l'au-delà. Je n'ai rien compris, et n'ai jamais réussi à m'intéresser aux personnages : je les trouve pâles et sans intérêt, leurs histoires ne m'émeuvent pas.

L'écriture est classique, ni exceptionnelle ni désagréable, rien pour me retenir non plus. Rarement déçu par Le castor astral, il fallait bien que ça arrive un jour. Eh bien, voilà, c'est fait.

Conseillé par
13 octobre 2015

J'aime bien Alain Mabanckou, il est même l'un des quelques écrivains pour qui je regarde La Grande Librairie lorsqu'il y est invité, autrement je fuis cette émission qui invite toujours les mêmes à part les numéros spéciaux avec lecture ou choix de livres pour lire pendant les vacances. J'écrivais avant de m'auto-interrompre que j'aimais bien Alain Mabanckou. Je l'ai lu plusieurs fois avec des bonheurs divers : les très bons Black bazar et Tais-toi et meurs et le moins captivant Demain j'aurai vingt ans (d'autres aussi mais non répertoriés dans le blog, car lus avant l'ouverture d'icelui).

Petit Piment tombe plutôt dans la seconde catégorie, les moins captivants au moins pour sa première partie. Ainsi que j'ai pu le dire plusieurs fois, je ne suis pas très amateur de l'enfant-narrateur qui permet selon moi de passer quelques faiblesses voire quelques facilités. Malgré mes réticences, en général, Alain Mabanckou passe l'écueil haut la main. Là, je dois avouer que je m'ennuie un peu beaucoup. Je ne retrouve pas la langue truculente de l'auteur ; c'est bien écrit, certes, mais un peu fade. Cette première partie traîne en longueurs, la description de la vie à l'orphelinat aurait pu être plus vive, plus dynamique ; l'auteur tourne en rond, se répète et nous on n'avance pas. Il faut attendre la seconde partie du roman pour qu'enfin il prenne une autre dimension, c'est un peu tard, on est déjà à la page 170 sur 270, mais ne boudons pas notre plaisir : Moïse devenu Petit Piment se lie d'amitié avec Maman Fiat 500 une maquerelle de Pointe-Noire, puis à la suite d'une opération "Pointe-Noire sans putes zaïroises", le bordel est détruit et Petit Piment se retrouve seul et erre totalement désemparé pour ne pas dire carrément barge. Et là, enfin, le récit devient intéressant. Alain Mabanckou donne libre cour à son imagination, retrouve allant, rythme et vivacité. Et ce roman qui débute poussivement finit en beauté avec une centaine de pages réjouissantes. Mon conseil à l'auteur : "Alain, lâche-toi, c'est vachement bien quand tu le fais, ne réprime pas tes pulsions d'auteur à l'imagination fertile. Sois cool, laisse-toi aller !"*

*Qu'Alain Mabanckou veuille bien m'excuser cette familiarité tant dans le tutoiement que dans les conseils d'un simple lecteur à lui, l'écrivain talentueux couronné de prix..