Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Atelier in8

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26 mars 2012

Construit avec des phrases courtes qui rythment l'action, le texte est donc rapide, efficace. On est dans la tête d'un grand malade, dans ses réflexions de désaxé qui ne se remet pas de la mort de sa femme, injustifiée à ses yeux. Comme à son habitude, Marcus Malte ne s'embarrasse pas de superflu, il va directement au but (même si on a droit aux détours des réflexions du narrateur) : son texte est court mais point n'est besoin d'en faire plus, on a tout : même ce qui n'est pas dit est limpide ! Moi qui aime les textes courts, forts et complets, je suis comblé.

Amis lecteurs qui habitez dans un lotissement tel que celui décrit plus haut, après avoir dévoré cette nouvelle terriblement bien construite, inévitable donc, vous ne regarderez plus vos voisins bienveillants et un peu réservés du même oeil, surtout s'ils ont des cannisses à leurs fenêtres ! Moi, ça va, je viens de vérifier, ils n'ont que des rideaux, mais je reste vigilant tout de même. Et puis, mes voisins, ils ne sont pas vraiment discrets, ni réservés...

Merci Josée pour cette excellente nouvelle qu'effectivement vous pouvez être fiers de publier.

PS : message personnel pour JPS, JS, JC et AMC, mes voisins les plus proches qui se reconnaîtront : c'était pour rire bien sûr ! Quoique...

Christophe Lucquin éditeur

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26 mars 2012

Ce petit roman (90 pages) est un beau texte d'un homme qui court vers une folie certaine même si apparemment rien ne l'y prédestinait. D'un homme seul, par choix, qui préfère la vie avec une morte qu'avec les vivants (c'est vrai que c'est sans doute la seule femme qui ne le contredira pas et que ne l'embêtera pas pour des broutilles féminines que nous les hommes-on-s'en-fiche : bon, je sais c'est un peu facile et misogyne, mais je me dois de soigner tous mes -fidèles et nombreux, euh, euh- lecteurs machistes.

Vous en avez un peu marre des romans qui vous racontent toujours la même rengaine, la même histoire ? N'hésitez plus, vous avez là un bon moyen de changer pour un roman profond, tendre, ironique, drôle, décalé et original et de qualité !

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14 mars 2012

Recueil de nouvelles noires, très noires. En fait, une réédition d'un livre paru en 1985. Jean Vautrin fait preuve de toute l'étendue de son talent en écrivant des histoires de manières totalement différentes. Certaines sont écrites dans un langage très imagé, argotique, familier voire grossier. D'autres sont plus classiques, dans une belle langue, souvent faite de phrases courtes pour maintenir un certain rythme. Certaines nouvelles sont assez elliptiques, il faut savoir lire un peu entre les lignes, elles n'ont pas de chutes véritables ; d'autres sont plus prosaïques, construites comme de petits romans. Toutes ont en commun un univers noir : des sentiments, de l'amour, de la haine, de la désespérance, du sexe et la mort.

Si vous aimez la diversité dans vos lectures, n'allez pas chercher plus loin, dans ce recueil, vous pourrez trouver votre bonheur. Pour vous allécher, les premières phrases des nouvelles que j'ai le plus appréciées :
- L'espoir des Pouilles : "Dimanche dernier, les lumières de la salle omnisport de Clermont-Ferrand se sont éteintes si brusquement que je n'ai pratiquement rien senti. Consciencieux comme je suis, dès qu'au travers de mon oeil gauche, j'ai aperçu des ombres penchées sur moi, je me suis mis en garde." (p.99)
- Douze petits baigneurs et qui savaient parler : "Voilà ce que j'ai vu. Mais personne n'est obligé de le croire. Il était attablé face à la porte et il essuyait. Il essuyait l'assiette que la serveuse venait de poser devant lui. Il essuyait les miettes de la table. Il essuyait ses couverts. Il essuyait le menu. Et il essuyait le revers de sa veste. Il essuyait même son crâne." (p.107)
- Signé Bondoufle : "Ces temps derniers, Tante Girafe avait perdu un peu la boule. C'était souvent une déviance passagère -des absences concentrées, pendant lesquelles ses yeux de porcelaine se perdaient dans le vague du jardin, ou bien au contraire, des bouffées d'enthousiasme inopinées qui lui coloraient temporairement les joues d'un peu de confiture de rose." (p.115)
- Un silence d'espadrille : "Lucette, garder ses bas, elle n'en avait rien à foutre. Simplement le Sarde du mardi dix-neuf heures aurait pu s'excuser des les avoir filés. Et puis, embrasser sur la bouche, elle n'aimait pas cela. (p.192)
Bon, voilà, j'en ai cité quatre, mais j'aurais pu en indiquer d'autres comme Le voyage immobile (de Kléber Bourguignault) : une histoire d'amour intense sur quarante années ou encore Le Pogo aux yeux rouges qui est aussi une histoire d'amour (et de vengeance). Très noires, ces histoires sont très différentes même si elles traitent des mêmes sujets. Jean Vautrin est aussi archi connu pour ses romans notamment Le cri du peuple (adapté en BD par J. Tardi et qui est de très très loin MA bande dessinée préférée ), Un grand pas vers le Bon Dieu (Prix Goncourt 1990) et son excellente série avec Dan Franck intitulée Les aventures de Boro, reporter-photographe.

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10 mars 2012

Maylis de Kerangal part d'un idée originale pour son roman. De mémoire de lecteur, qui ne vaut pas sondage je suis passé à côté de tellement de livres, je n'ai pas souvenir d'un tel thème. Mais je me trompe sûrement et j'attends donc vos rectifications. De toutes manières, même si de tels romans existent, il faut bien reconnaître que ce n'est pas le thème majeur de la littérature. Car de littérature, il en est question, au moins pour ma propre -et variable- définition de ce vocable : chacun ayant sa signification de la littérature, ses critères personnels. Roman à l'écriture admirable, aux phrases travaillées, longues, qui englobent parfois plusieurs idées à la fois, au vocabulaire tantôt recherché, châtié voire rare et tantôt familier voire grossier, et il faut bien le dire à certains passages dans lesquels il est parfois difficile de maintenir l'attention.

Mais comment résister à cela par exemple :
"Sanche Cameron, lui, s'écartera pour la regarder mieux tandis qu'elle se présentera aux autres, la détaillera sans parvenir à se faire une idée, la trouvera étrange, de la gueule mais lourde, une démarche de gorille, des mains courtes et des épaules carrées, des hanches larges, une belle peau mate, l'épaisse chevelure blonde, mais un menton en bénitier, un nez de chien, voilà, elle aura pleinement conscience d'être la bête curieuse, elle voudra faire impression et ne sourira pas, une fille au béton n'est pas monnaie courante." (p.49/50)
Maylis de Kerangal raconte tout : la préparation de la construction, le choix des hommes et des femmes, et certains d'entre eux un peu plus en détails ; elle s'attarde sur quelques uns pour nous raconter leurs vies, leurs parcours et parfois comme plus haut et comme ci-dessous leurs particularités physiques : "John Johnson, dit le Boa, est un homme de taille moyenne, corps imberbe, torse d'haltérophile et carnation chinoise, nuque forte, sourcils drus sur petits yeux fendus, pas de lèvres, dents pointues, langue grise." (p.53)
C'est une lecture qui demande un peu d'attention pour bien se diriger dans le chantier, qui se mérite mais qui récompense son lecteur. Certes, ce roman souffre de certaines longueurs, de certains passages moins captivants, mais sa construction est toujours épatante, dans une langue qui me ravit. Si je puis me permettre cette image totalement pourrie, je pourrais dire que le roman de Maylis de Kerangal est à l'image des ouvrages d'art, solide, bien construit et qui permet de découvrir de nouveaux horizons.

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9 mars 2012

Ce livre décrit la relation de Pol avec le monde qui l'entoure : ce monde de la nature et de la couleur, des hommes et des femmes qui vivent au jour le jour sans se poser de multiples questions avant d'agir. Une sorte de Paradis pour un rescapé de la guerre en proie à de multiples interrogations, à des rêves lourds et à des résurgences de son passé dont il se passerait bien, et qu'il essaie d'ailleurs de faire passer.

Mais le romancier n'est point trop simpliste disant que là-bas au Paradis, tout se passe bien, qu'on y est forcément heureux : "La paix ne pouvait se trouver que dans le coeur des hommes, pas dans les lieux où ils habitaient. [...] Et tous les jours, il se demandait si les gens de ces îles arrivant en Europe, amèneraient ce bonheur qu'ils semblainet vivre et qui nous étonnait tellemen,t nous, les soi-disant malheureux." (p.144/145)
Énormément de poésie dans ce roman intériorisé. Beaucoup de termes qui parlent des couleurs, de la nature, des femmes des îles : une écriture en douceur pour raconter d'une part la beauté des paysages et des habitants et d'autre part les horreurs de ce début de siècle en Europe.
Je connaissais plus JB Pouy pour ses polars, je m'aperçois avec bonheur qu'il peut changer de style en continuant d'écrire des romans de qualité. Les dessins de JG Pinelli ajoutent encore du charme à cette histoire.