• 11 janvier 2011

    On va dire : tiens, Beigbeder est de retour, mais cette fois-ci, au féminin !

    Donc, Géraldine Beigbeder nous gratifie de son deuxième roman Larguée en périphérie de la zone politique et autres désordres organiques, pour cette nouvelle rentrée 2011, chez Albin Michel. Déjà le titre formidablement long dit l’espiègle originalité de l’écrivain. Un roman « générationnel », comme on dit, très enlevé et véritablement drôle, scénographie le tableau ironique d’une génération de nantis, plutôt parisiens, nés autour de 1968. Le tout dans une langue gouailleuse contemporaine.

    Ils se pensent « de gauche », mais n’ont pas trouvé écho dans les discours épuisés et saturés des différents partis pour incarner leurs aspirations. Et d’ailleurs en ont-ils des aspirations, voilà la question. Politiquement dépolitisés ou apolitiquement politisés, ces quarantenaires sont égarés, avec d’immenses désirs mais éventés, fatigués, amers. Tous veulent être créateurs (artiste, scénariste, disigner, acteur, peintre, performer…), mais riches, aisés, généreux, ils veulent « changer le monde », vivre dans un monde meilleur, non raciste, égalitaire, écologique, planeto-fraternel.

    L’élection de Sarkozy vient comme une claque horrible où tout d’un coup la vacuité de l’édifice personnel et social éclate et leur saute à la gueule. Ils sont plombés. Léa, lucide, voit soudain l’hypocrisie, la fausseté, l’exploitation sadique, la corruption et surtout le mépris cynique de son boss décideur de l’audiovisuel. Elle n’en veut plus de ce maltraitement organisé, mais elle est en plein dedans. La langue des marques, envahissante, signe le bain consumériste où elle se noie. Sans le vouloir, elle est lâche, contradictoire : écologiste, elle voudrait un 4×4 Toyota Rav 4 « pour l’esthétique ». Son mec se barre, elle est déboussolée, Paris lui paraît habité de cinglés, perdus, déprimés. Elle voit la déconfiture partout, elle croit que c’est à cause de l’élection de Sarko président. Elle cherche assidûment à se poser « les putains de vraies bonnes questions », mais elle échoue. Les valeurs de 68 ont foutu le camp, il en reste des lambeaux désarrimés. Sarko ne fait que les effondrer davantage avec son air d’agent immobilier monté sur ressorts ! Pour comprendre elle agite les clichés psy ambiants qui fondent comme neige au soleil. Cette mauvaise passe de « larguée » s’incarne dans la rencontre à la Bastille d’un gars monté sur rollers, amateur de Blacks paumées, il est révolutionnaire utopique dans l’âme. La pauvre Léa tourne en rond dans une danse dérisoire, la nôtre, elle voudrait résister et s’accroche à ses Lucky Strike Light.

    A l’instar de Michel Houellebecq, Géraldine Beigbeder renvoie un portrait égaré et jouissif de sa génération, mais en fille. Comme s’il y avait une redoutable satisfaction à se contempler merdique.

    Fin de tout idéal !