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    29 mai 2013

    Un "court roman", mais du grand Roth

    Tragédie en trois actes, Le Rabaissement explore une fois de plus le thème de la décrépitude du corps, cher à Philip Roth depuis quelques années. Une fois de plus mais pas une fois de trop car le trentième roman de l'auteur de Portnoy et son complexe ou de La Tache signe ici un livre aussi limpide que son personnage est lucide.
    Car Simon Axler n'est plus que l'ombre de lui-même. "Il avait perdu sa magie, l'élan n'était plus là. (…) son talent était mort" (page 11). Et cet homme qui joué les plus grands rôles du répertoire et connu la gloire, ce "prodige théâtral" n'a plus qu'une certitude : celle "d' en avoir bel et bien fini avec le métier d'acteur, les femmes, les rapports humains, fini à jamais avec le bonheur" (page 53).
    C'est alors que surgit une femme et qu'avec elle revient le désir et son cortège de fantasmes. Avait-il véritablement le choix face à la détermination de celle qui décida "qu'après avoir été lesbienne pendant dix-sept ans elle voulait un homme - cet homme là, cet acteur de 25 ans son aîné et l'ami de sa famille depuis des dizaines d'années" (page 59), rien n'est moins sûr.
    Car en endossant son costume tout neuf d'hétérosexuelle Pegeen Staplelord offre à Simon le plus beau rôle de sa vie, celui d'un pygmalion comblé. Avec elle renaît le sentiment amoureux, le plaisir charnel et le spectre hideux de la jalousie. "Un homme rencontre bien des pièges sur son chemin, et Pegeen était pour lui le dernier". Cet éternel et ô combien inégal entre Eros et Thanatos est certes perdu d'avance mais Simon Axler le livre avec panache et Philip Roth signe là une magnifique et désolante variation sur le thème.