• Conseillé par
    13 novembre 2014

    En 2008, Michelle Porte, que je connaissais comme la réalisatrice de très beaux documentaires sur Virginia Woolf et Marguerite Duras, m'a exprimé son désir de me filmer dans les lieux de ma jeunesse, Yvetot, Rouen, et dans celui d'aujourd'hui, Cergy. J'évoquerais ma vie, l'écriture, le lien entre les deux. J'ai aimé et accepté immédiatement son projet, convaincue que le lieu - géographique, social - où l'on naît, et celui où l'on vit, offrent sur les textes écrits, non pas une explication, mais l'arrière-fond de la réalité où, plus ou moins, ils sont ancrés.
    Ces lignes sont les premières phrases de ces entretiens réalisés en 2011 à Cergy où vit Annie Ernaux. Mais Yvetot le lieu de son enfance et de son adolescence qui apparaît dans beaucoup de ses livres est abordé également.
    Comme dans "Retour à Yvetot", l'auteure revient sur certains de ses romans pour nous éclairer. Ses origines modestes qui font que Je crois que j’ai toujours été entre deux et que ça a commencé tôt.

    Sans tabou, elle revient sur ses relations avec sa mère, une femme autoritaire mais qui a toujours voulu le mieux pour sa fille mais aussi et surtout sur 'importance de la lecture et celle de l'écriture : C'est un lieu, l'écriture, un lieu immatériel. Même si je ne suis pas dans l'écriture d'imagination, mais l'écriture de la mémoire, c'est aussi une façon de m'évader. D'être ailleurs. L'image qui me vient toujours pour l'écriture, c'est celle d'une immersion. De l'immersion dans une réalité qui n'est pas moi. Mais qui est passée par moi. Mon expérience est celle d'un passage et d'une séparation du monde social.

    Et les passages sur sa démarche d'écriture m'ont particulièrement intéressée : Je me suis toujours révoltée contre l'assimilation de ma démarche d'écriture à l'autofiction parce que dans le terme même il y a quelque chose de repli sur soi, de fermer au monde. Je n'ai jamais envie que le livre soit une chose personnelle. Ce n'est pas parce que les choses ne me sont arrivées à moi que je les écris, c'est parce qu'elles sont arrivées, qu'elles ne sont donc pas uniques.(...)Bien sûr, on dit les choses personnellement. Personne ne les vit à votre place . Mais il faut pas les écrire de façon qu'elles ne soient que pour soi. Il faut qu'elles soient transpersonnelles, c'est ça. C'est ce qui permet de s'interroger sur soi-même, de vivre autrement, d'être heureux aussi. La littérature peut rendre heureux.

    Ce livre est une pierre supplémentaire qui nous éclaire sur l'œuvre d'Annie Ernaux !