Destruction
EAN13
9782358731454
Éditeur
Le Bruit du temps
Date de publication
Langue
français
Langue d'origine
français
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Destruction

Le Bruit du temps

Indisponible
Une femme qui a consacré sa vie à lire ou à écrire se trouve soudain privée de
tout ce qui était au coeur de son existence. Une dictature s’est installée
dans le pays où elle réside, ici, à Paris. Le seul moyen d’expression qui lui
est concédé est une sorte de blog sonore, que lui commande le représentant
d’une mystérieuse organisation qui tente de s’opposer au nouveau régime. Le
livre ne cesse de s’interroger sur ce changement inquiétant : quand s’est-il
réellement produit, quels en étaient les signes avant-coureurs, comment a pu
s’effectuer cette destruction progressive du monde d’avant ? Et surtout, la
narratrice n’est-elle pas elle-même coupable d’avoir laissé venir les choses,
n’a-t-elle pas elle-même voulu s’affranchir du passé ? N’avons nous pas été
tous coupables d’insouciance, de légéreté ? Et voilà que le nouveau pouvoir,
peu à peu, de manière insidieuse bannit tout souvenir, cherchant à effacer
toute trace de l’histoire, toute plaque commémorative, détruisant jusqu’aux
cimetières. Tout se passe en réalité comme s’il n’avait fait que systématiser
une vie de pur divertissement dans laquelle, comme toute une génération autour
d’elle, elle s’était complue, refusant peu à peu toute pensée complexe, toute
réflexion. À sa manière prenante, allusive, ne cessant de mêler ses voix
intérieures, ses angoisses à des souvenirs de lectures, de rencontres,
d’observations, Cécile Wajsbrot parvient à merveille à nous faire ressentir ce
que pourrait être notre présent si l’impensable (un retour de ce que nous
croyions, depuis la guerre, impossible) s’était produit. La grande réussite du
roman, c’est que, à force de notations concrètes et par la richesse de ses
réflexions, l’auteur nous fait pénétrer dans cet « univers parallèle où se
dessinent des contours, des silhouettes qui nous accompagnent, aussi réelles
que la nôtre ». La narratrice acquiert une présence telle que le lecteur est
lui-même gagné par l’inquiétude de ce qui, après tout, n’était peut-être qu’un
cauchemar. Et le dénouement (qui fait penser à un mauvais rêve trop aisément
dissipé), nous laisse dans le doute : est-il vraiment besoin d’une dictature
pour que la destruction soit à l’oeuvre, en nous et autour de nous ? À la
lecture de cette fiction spéculative, dont la pertinence ne cesse de nous être
rappelée par l’actualité, on ne peut qu’être frappé par la cohérence de
l’oeuvre de l’auteur de Memorial, hantée depuis toujours par la mémoire des
crimes de l’Histoire et par la crainte qu’ils se reproduisent, faute d’avoir
su en tirer les leçons.
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