Moana Blues
EAN13
9782367344836
Éditeur
Au vent des îles
Date de publication
Collection
LITTERATURE
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
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Moana Blues

Au vent des îles

Litterature

Indisponible
« Plonger dans le bleu angoisse et fascine. Plonger dans le bleu, c’est la
petite mort, le renoncement de l’être. C’est devenir soi-même, pour quelques
instants d’éternité. » À la limite du bleu foncé de l’océan, le moana, une
fois passée la barrière de corail, le plongeur sombre dans le ‘ere’ere, là où
le bleu devient noir. Moana, c’est aussi un prénom, celui du protagoniste
absent mais pourtant si présent tout au long du récit, tel un prétexte assumé
pour sombrer dans la psyché de Paulot, le narrateur. Réveil à 4h45 pour une
journée sans fin, étouffante voire suffocante, dans un huis-clos réunissant
les membres d’une famille recomposée : Paulot, professeur métropolitain
déraciné puis enraciné en Polynésie française et reconverti en entrepreneur
(traînant des cicatrices du passé), a refait sa vie avec Malinda et ses deux
fils, Moana et Félix. De leur union est née la jeune et vive Urahei. Famille
recomposée, où deux cultures se découvrent et apprennent à se respecter.
Notamment avec Moana, l’aîné, grâce à la pratique commune de la plongée en
haute mer et de l’apnée qui les entraîne toujours plus profond et tisse entre
eux un lien indicible, pétri de respect et construit de challenges toujours
plus ambitieux. Jusqu’au point de non-retour, car c’est bien autour d’un
évènement des plus tragiques que se déroule le récit, qui prend ainsi une
tournure flirtant avec le dramatique, mais sublimée par l’immersion
introspective que réalise le protagoniste face à une telle situation. La mort
accidentelle de Moana, l’aîné de la famille, noyé lors d’une plongée au large
du récif, vient terrasser l’ancien professeur. Assistant impuissant au
déroulement de la journée de funérailles, Paulot, de nature taciturne et
solitaire, ne dispose ni de la force nécessaire, ni des codes pour accompagner
les siens dans cette épreuve. Pire, ce sont eux qui le gardent à l’œil tant il
multiplie les signes de faiblesse dans la chaleur écrasante, alternant
malaises et nausées. Cette présence fantomatique dissimule pourtant la
remontée tumultueuse de pensées et souvenirs qui l’assaillent. Il y a la
genèse de cette famille adoptée au milieu du Pacifique et qui porte encore les
cicatrices d’un passé douloureux et violent. Il y aussi son propre passé qui
n’est pas exempt de violence et de remords. Dans une atmosphère moite de
l’aurore au crépuscule, l’esprit de Paulot s’éparpille entre monologue et
brèves conversations avec les proches réunis, fuite face au passé renié pour
mieux sombrer dans le présent, avant de reprendre son souffle pour atteindre
une surface salvatrice, celle où l’on se livre sans retenue, pour enfin
parvenir à se confronter à soi-même. Dans une langue magnifique et au travers
d’une narration au plus près de ce personnage vacillant et tourmenté, Anne-
Catherine Blanc livre un texte subtil et élégant, un examen de conscience très
convaincant. Avec beaucoup d’humanité et de finesse elle dévoile les méandres
de l’intime et des états d’âme dans un Tahiti très éloigné des clichés. La
symbolique du moana est ainsi exaltée à l’extrême, de la profondeur abyssale
de l’océan à l’immensité sans fin du ciel, fidèle image du voyage introspectif
dans sa complexe totalité. A demi-mot et plein de pudeur, l’amour est pourtant
bien présent entre les lignes. Un roman saisissant, extrêmement bien construit
et profondément littéraire, tout en restant d’une surprenante simplicité. Née
au Sénégal d’un père mi-catalan, mi-vietnamien et d’une mère suisse, Anne-
Catherine Blanc revendique son métissage. Professeure de français et globe-
trotteuse attentive, elle a enseigné dans de nombreux pays, l’Algérie, le
Maroc, Tahiti, l’île de Pâques et voyagé sur les six continents. Cette
passionnée de la mer vit actuellement dans les Pyrénées. Elle est l’auteure de
plusieurs romans, recueils de nouvelles, contes philosophiques et essais.
Ayant toujours vécue à proximité de la mer, Atlantique, Méditerranée puis
Pacifique, Anne-Catherine Blanc rapporte que « les îles du Pacifique dégagent
un mana, une aura puissante (…). La mer est l’espace de l’abîme intérieur (…),
celui où l’on évolue en trois dimensions, comme l’oiseau dans l’espace, mais
au prix de l’apnée. » Son écriture, au registre familier et simple, entremêle
avec talent le ton de l’empathie, pour décrire les rapports humains, au style
plus lyrique de la philosophie, pour décrire le rapport à la nature et
l’océan. Si la mer reste une thématique commune à ses ouvrages, et la
Polynésie un sujet de fond comme d’inspiration, l’éclectisme apparent des
sujets choisis par l’auteure dans son œuvre résulte d’une volonté de produire
des textes courts (moins de 200 pages) mais soignés, bien construits, « là où
le mot juste s’harmonise avec le rythme de la phrase », témoigne-t-elle. Ses
livres naissent du contact entre « je » et le monde, « je » et l’autre. Seuls
les voyages, les rencontres, le partage ont le pouvoir de transcender les
mots. « Quand je rencontre l’autre, ses mots et les miens tissent le motif
d’un récit que j’appellerai alterfiction. » Un fiction altérée où le lecteur
ne peut que se reconnaître, qu’il le veuille ou non. Ce changement de registre
et de ton transforme ainsi une expérience anodine en une véritable remise en
question du protagoniste, où le spirituel s’immisce telle une planche de salut
dans une réalité figée et routinière, pétrie de douleurs et d’afflictions.
Avec un équilibre délicat entre chaque mot, chaque phrase, chaque pensée qui
habite Paulot ou encore, chaque scène décrite qui se révèle comme exaltée.
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