Pacifique : Le recentrage asiatique

Hier, l’Asie cherchait ses modèles en Occident, de l’Union Soviétique aux
États-Unis ; aujourd’hui, elle a ses propres références, le Japon et les
quatre dragons. Hier, l’Asie absorbait les capitaux de l’Occident, aujourd’hui
le Japon et les quatre NPI enregistrent des excédents financiers
considérables, tandis que les autres pays, de l’ASEAN à la Chine, ont presque
tous déjoué les pièges de l’endettement international. Hier, l’Asie importait
ses techniques de production de l’Occident ; aujourd’hui, par le Japon, elle
est à la pointe du progrès dans quelques secteurs d’excellence, et elle a su
dépasser le modèle fordiste de la production de masse pour le modèle de la
production flexible de multiples variétés de produits. Hier, l’Asie semblait
au bord de la famine et de l’explosion démographique, aujourd’hui, elle
maîtrise sa démographie et son agriculture. Le développement d’industries
exportatrices qui exigent peu de capital et beaucoup de main-d’œuvre féminine
a permis d’assurer une transition relativement douce vers la société
industrielle et une démographie plus modérée. Le développement accéléré n’est
plus une exception, un cas d’école ou une curiosité. C’est une possibilité
ouverte à des sociétés extrêmement diverses par leur taille ou leur culture,
la Chine depuis 1979 et l’Indonésie depuis 1987 en témoignent. La réussite des
pays d’Asie c’est aussi et surtout la conquête des marchés mondiaux et en
particulier du marché américain. Cette conquête s’est appuyée au départ sur le
seul avantage de coût salarial, elle est aujourd’hui de plus en plus fonction
de la qualité et de la diversité des produits exportés. Enfin, la conquête
commerciale se double aujourd’hui d’une conquête financière. Déjà, le Japon a
supplanté de loin les États-Unis dans les investissements réalisés en Asie, de
plus les quatre NPI eux-mêmes se sont lancés dans cette aventure ; le Japon et
les quatre NPI s’attaquent enfin, et peut-être surtout, directement aux États-
Unis. Une ombre plane cependant, car les dés paraissent pipés pour les
Occidentaux, qui ne peuvent ni acheter des entreprises japonaises, ni accéder
à leur marché intérieur. Des changements structurels s’imposent pour que le
jeu puisse continuer au profit de tous.