L'âme et l'urine

Voilà le livre sérieux et fantaisiste à la fois, pas du tout consensuel d'un
mathématicien philosophie qui aime jouer avec les mots et avec les idées, qui
a le sens de la formule. Il nous propose d'envisager ce qui dans la condition
humaine est de mauvais goût c'est-à-dire particulièrement insupportable. Le
mauvais goût c'est l'impossibilité de savoir où on est, ne pas savoir si on
tourne en rond ou si on avance pris au piège comme des rats ! Le lecteur est
installé dans ce piège, avec un certain malaise face à des évidences... pas du
tout évidentes au final : ce livre décapant s'ingénie ainsi à bousculer tout
un tas d'idées reçues. Thème unifiant des expériences humaines diverses, le
mauvais goût n'est ni un dogme ni une théorie, mais une façon de décrire ce
que chacun peut voir.C'est un livre noir et drôle à la fois, dérangeant à
l'évidence. On pourrait penser aux formules des Moralistes, de La
Rochefoucauld qu'il a beaucoup lu: il y a quelque chose des Maximes dans ces
variations sur le mauvais goût de la condition humaine à quoi nous sommes
condamnés. Comme chez les Moralistes un miroir est tendu mais il est
kaléidoscopique. L'auteur ne croit pas aux systèmes, aux constructions. Il se
sent peut-être plus près des aphorismes."J'ai le cul entre deux chaises " dit-
il, désignantce qu'il y a du mathématicien dans sa démarche : il faut repenser
sans cesse, penser à nouveaux frais, rien n'est acquis. Il n'y a pas un bon
point de vue sur la condition humaine, une génération s'oppose à l'autre. Mais
aussi ce qu'il n'y a pas : il faut de l'optimisme pour être scientifique, une
foi dans le savoir et la recherche. Or lui ne propose aucune solution :
d'ailleurs les bonnes idées ne tournent-elles pas presque toujours mal ? Par
ex quand quelque chose d'intéressant à la base se répand, cela devient bête.
L'écologie, une bonne idée mais qui galvaudée conduit aujourd'hui à cette
phrase stupide : La planète vous remercie !Au point de départ de ce livre
d'aphorismes, une triple fonction intrigante de nos organes sexuels : à la
fois la jouissance, la reproduction et l'excrétion.. Une conjonction étrange
et humiliante pour l'homme qui ne veut pas y penser et pourtant de laquelle il
sort. Encore un des aspects du mauvais goût. Didier Nordon, né en 1946, a
enseigné les mathématiques à l’université de Bordeaux. Auteur d’essais : Deux
et deux font-ils quatre ? Sur la fragilité des mathématiques (Belin 1999), Les
mathématiques pures n'existent pas ! (Actes Sud, 1981, rééd. 1993),
Intelligence, passion honteuse (Éditions du Félin, 1990), L'intellectuel et sa
croyance (L'Harmattan, 1991), L'Homme à lui-même, Correspondance avec Jacques
Ellul (Éditions du Félin, 1992), 1999). Il publie des chroniques dans le
mensuel Pour la Science. Derniers recueils de chroniques parus : A contre-
idées (Belin, 2011) et Scientaisies (Belin, 2014).Il écrit aussi des fictions
: Les obstinations d’un mathématicien, roman, (Belin, 2003), La droite
amoureuse du cercle, nouvelles, (Hermann, 2011), Peu plausible mais vrai
(Éditions du Choix, 1992, Illustrations de Charb), Le ZYXaire des sciences,
dessins de Matyo, Éditions Belin Pour la Science, 2003…Des collectifs :
L'ennui, Féconde Mélancolie (collectif) (Autrement, 1998) ou encore des
Ouvrages pour la jeunesse (collection Ratatouille chez Autrement), parus et
1997 et dessinés par Lys Flowerday : Le chocolat, ça craqueLes épinards, ça
rouilleLes œufs, ça brouilleLa soupe, ça chatouille