Epouses de ministres

Colbert, Louvois ou Pontchartrain : les noms des plus proches conseillers du
roi Louis XIV sont bien connus, autant que leurs personnalités et leurs œuvres
politiques. Cependant, leur histoire conjugale et familiale comporte de larges
parts d’ombre, autant pour les historiens que pour le grand public. Loin d’un
simple catalogue de biographies, cet ouvrage propose un portrait dynamique des
femmes qui ont épousé un ministre sous le règne personnel de Louis XIV, en
envisageant leur place dans leur couple, dans leur famille, dans l’entourage
du roi et dans la société française du XVIIe siècle. Capacité d’action,
concertation conjugale et stratégies lignagères se trouvent alors au cœur des
réflexions dans une perspective genrée, afin de dessiner à la fois une
histoire des femmes, du couple et de la noblesse dans la France moderne. Les
travaux en histoire des femmes se sont jusqu’ici plutôt attachés à tracer les
contours de la condition féminine ou à éclairer le rôle de femmes inscrites
dans un contexte ou un statut particulier (les religieuses, les mères, les
révolutionnaires…). Cet ouvrage vise à proposer l’étude d’un groupe singulier,
défini par trois fois de façon originale : par rapport au masculin, par
rapport à la carrière masculine et par les liens sacramentels et sociaux du
mariage. Par conséquent, l’analyse a réclamé de convoquer à la fois l’histoire
des femmes, du couple, du mariage, de la maternité, de l’économie domestique,
de la noblesse, de la cour, de la charité et des pratiques religieuses, afin
de rendre aux personnalités étudiées toute leur complexité. Cet ouvrage a pour
ambition d’approcher l’histoire des femmes et des élites dans une nouvelle
perspective qui mobilise à la fois l’étude des parcours individuels et la
méthode comparatiste. Il ne s’agit pas seulement de faire l’histoire des
épouses des ministres en tant que groupe, mais de proposer une histoire des
possibles, au féminin. Par conséquent, l’analyse repose sur des concepts forts
à la croisée de l’histoire et de la sociologie, comme ceux de genre et
d’agentivité. Car l’ouvrage met en avant la capacité d’action des femmes
étudiées, tandis que ces dernières évoluent dans une société régie par les
hiérarchies et les contraintes juridiques. Freinées au premier abord par une
incapacité liée à leur sexe et à leur statut marital, les épouses des
ministres ont su mobiliser les ressources contextuelles et financières mises à
leur disposition pour agir concrètement au service de leur couple et de leur
famille et devenir des procuratrices, des femmes de cour ou encore des
fondatrices d’établissements de charité. En outre, la place de leurs maris
dans le gouvernement du royaume de France a réclamé d’elles qu’elles endossent
des rôles sociaux déterminants pour soutenir la carrière de ces derniers.
L’examen de ces actions s’appuie sur une documentation vaste, variée et
dispersée. Les sources ont ainsi été compilées grâce à un travail de recherche
aux Archives Nationales, aux archives départementales, à la Bibliothèque
Nationale de France, aux archives de l’APHP, ou encore dans des fonds détenus
aujourd’hui encore par des propriétaires privés. Contrats de mariage,
inventaires après décès, procurations, documents comptables, correspondances,
mémoires des contemporains sont autant de puits de savoir qui ont permis de
mieux appréhender la personnalité et place de ces femmes dans la société
française du XVIIe siècle. Docteure en histoire de Sorbonne Université,
Pauline Ferrier-Viaud est aujourd’hui maîtresse de conférences à l’Université
d’Artois. Autrice d’une thèse soutenue en 2017 sous la direction de M. le
Professeur Lucien Bély, elle a très tôt engagé des recherches en histoire des
femmes et du genre à l’époque moderne. Sa thèse avait pour but d’explorer les
contours de la condition féminine et des impératifs nobiliaires dans la France
du XVIIe siècle, afin de mettre au jour la capacité d’action des épouses.
Aujourd’hui, elle poursuit ses recherches sur ces thématiques en continuant de
s’intéresser aux épouses d’hommes engagés au service de l’Etat et du roi, afin
de comprendre l’impact de la carrière masculine sur le fonctionnement du
couple. L’histoire du couple étant au cœur de ses préoccupations, Pauline
Ferrier-Viaud a organisé également à l’automne 2021 avec Flavie Leroux un
colloque intitulé « Conjugalités et extraconjugalités à la cour de France ».
Parallèlement à ces recherches, Pauline Ferrier-Viaud a exercé une activité
d’enseignement à plusieurs niveaux, d’abord en tant que chargée de cours et
ATER dans trois universités différentes (Sorbonne Université, Université
d’Artois, Université d’Evry-Val d’Essonne), puis en tant que professeure de
l’enseignement secondaire, en collège et en lycée. Elle renoue aujourd’hui de
façon pérenne avec l’enseignement supérieur où elle dispense des cours en
Licence et en Master.