La maison en chantier

Pourquoi oppose-t-on dans notre société les travaux manuels au travail intellectuel ? Le labeur contre la noblesse ? C'est ce que prétend réconcilier ce traité tonique et paradoxal du chantier qui se veut tout d'abord une réhabilitation du réel : « Chantier, voilà le maître mot ! Il rend à merveille cette globalité du corps et de l'esprit, réconcilie l'espace extérieur du champ avec l'espace intérieur du chant, dessine le lien originel qui unit depuis toujours le travailleur manuel, qui laboure son champ à l'artiste qui exerce son chant. » Dans ce précis iconoclaste écrit par une femme, professeur de lettres, écrivain et qui compte à son actif une vingtaine d'années de chantiers se dessine un éloge de la liberté dans le plâtre, l'enduit et le ciment. Car le chantier redresse le corps et corrige les tords de l'existence : « Autant dire que le chantier m'a sauvée. Je lui dois une sacrée chandelle. Il m'a évité la dépression, la dépendance, la maladie (...) Il m'a redonné la confiance en moi, le goût de vivre, le plaisir physique d'exister. » À travers des écrivains comme Thoreau, mais aussi Thomas Bernhard, Christine Brusson montre que le chantier est l'ultime espace de la liberté, de la révolte, l'expression de l'insoumission et de l'anarchie rigoureuse. Une quarantaine de chapitres enlevés sont consacrés à l'habit de chantier, à la fatigue, aux matières poreuses, à la cabane, aux charmes des escaliers, à l'ancien contre le moderne, à l'achat d'une maison, à l'endroit où il convient de poser des étagères. La maison devient une personne et le chantier s'impose comme le recours à la beauté. Un livre drôle et incisif.