L'enquête et ses méthodes : l'entretien, l'entretien
EAN13
9782200346058
ISBN
978-2-200-34605-8
Éditeur
Armand Colin
Date de publication
Collection
128
Nombre de pages
128
Dimensions
18 x 13 cm
Poids
131 g
Langue
français
Code dewey
300.723
Fiches UNIMARC
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L'enquête et ses méthodes : l'entretien

l'entretien

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Dirigé par

Armand Colin

128

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INTRODUCTION?>GENÈSE DE L'ENTRETIEN DANS LES SCIENCES SOCIALES : PRINCIPAUX REPÈRES?>L'entretien, comme technique d'enquête, est né de la nécessité d'établir un rapport suffisamment égalitaire entre l'enquêteur et l'enquêté pour que ce dernier ne se sente pas, comme dans un interrogatoire, contraint de donner des informations. L'entretien qui modifie les rapports entre interviewer et interviewé modifie aussi la nature de l'information produite. D'une information qui constituait une réponse ponctuelle à une question directe de l'enquêteur, on est passé à une réponse-discours obtenue par des interventions indirectes de l'enquêteur.La question de l'enquêté contre celle de l'enquêteur : historique d'un échange?>L'entretien est, à l'origine, un type de rapport social et verbal appartenant au langage diplomatique, à la fois antérieur et externe à la constitution des sciences sociales et de leurs outils méthodologiques, qui désigne une conversation d'égal à égal, entre deux souverains par exemple. Toutefois, on a coutume d'établir l'acte de naissance de l'approche dite « indirecte » à une date plus récente - 1929 - à la Western Electric, où se déroule une enquête d'évaluation d'un style nouveau qui sera rapportée, commentée et théorisée en 1943 par ceux que l'on considère comme les fondateurs de l'entretien de recherche: Roethlisberger et Dickson (1943). Cette enquête, centrée au départ sur les conditions matérielles de la productivité dans l'entreprise, mit alors en évidence, contre toute attente, l'importance des relations interpersonnelles dans la motivation au travail. Forts de cerésultat, désireux à la fois de tester et développer l'idée qui, à l'époque, est nouvelle et lui donner ainsi une fonction opératoire, les enquêteurs décident de poursuivre l'investigation sur les sentiments des ouvriers à l'égard de la maîtrise, afin de réinjecter ces informations dans des sessions de formation. L'enquête, alors, de simple instrument, devient dispositif d'action. Elle s'enrichit de deux étapes supplémentaires : outre la passation du questionnaire (dite approche directe), elle comprend désormais une approche indirecte d'abord avec prise de notes, ensuite avec enregistrement intégral. La mise en place de ce dispositif constitue une étape charnière dans le mode d'interrogation, dans la mesure où on passe progressivement de la recherche des réponses aux questions d'un savoir scientifiquement constitué, à la recherche des questions élaborées par les acteurs sociaux eux-mêmes. Les enquêteurs ont en effet observé d'abord que les ouvriers souhaitaient parler de questions sans rapport avec les questions posées, et pris acte de la non-pertinence des questions préconstruites ; ensuite, qu'il était impossible d'interpréter les réponses en l'absence de tout contexte discursif, d'où l'absence de sens des réponses obtenues par voie de questionnaire. Les propres questions de l'enquêté deviennent alors le véritable objet de recherche. Resituées dans les informations contextuelles indispensables à leur interprétation, elles donnent accès aux conceptions personnelles des interviewés (Blanchet et al., 1985).Quant à l'orientation non directive à proprement parler, c'est une notion empruntée au vocabulaire de la psychosociologie, formulée elle aussi dans les années 1940 par Carl Rogers (1945), psychothérapeute, appliquée d'abord à des entretiens cliniques puis, en un second temps, par extension, à des entretiens de recherche.Si l'acte de naissance de l'entretien de recherche est récent et aisément repérable, sa filiation est cependant à la fois plus ancienne et plus complexe. En effet, ce qui a présidé à la transformation du protocole d'enquête, ce qui a permis d'échanger la question de l'enquêteur avec la question de l'enquêté, c'est un changement plus général survenu dans les manières d'interroger les populations (à l'époque, les indigents et les indigènes), et l'émergence d'une nouvelle figure observationnelle de l'Homme. Aux « relations » rédigées sur les nations et les peuples indigènes par les voyageurs, les marchands, les explorateurs et les clercs, les Lumièressubstituèrent des guides d'observation et des instructions scientifiques plus méthodiques, qui non seulement déclinaient ce qui était à observer, mais instruisaient déjà le regard de l'observateur. « Tester un peuple par un autre » : cette recommandation de méthode formulée en 1838 fait de l'échange des regards le sens et la science même de l'observation1. Le passage du questionnaire à l'entretien est ainsi non seulement lié au fait que l'enquête sociale s'est elle-même dégagée de l'interrogatoire, mais il s'inscrit également à la fois dans la transformation du regard anthropologique sur les sociétés lointaines, et dans les mutations de l'attitude thérapeutique par rapport à la maladie mentale.La démarche clinique: le malade mis à contribution par le biais de sa parole?>Jean Piaget (1926) montre comment la méthode clinique peut s'imposer comme seule approche possible d'un problème donné2. Il se propose d'étudier quelles sont les représentations du monde que se donnent spontanément les enfants au cours des différents stades de leur développement intellectuel. La première façon d'opérer, dit-il, consiste à soumettre les enfants à un questionnaire standardisé. Mais cette technique a deux inconvénients : le premier est de ne pas pouvoir analyser les résultats obtenus faute d'avoir accès au contexte de l'énonciation; le second, encore plus essentiel, concerne les caractéristiques du problème étudié. Si l'on pose directement à l'enfant une question, telle que « Qu'est-ce qui fait avancer le soleil ? », celui-ci répond « C'est le Bon Dieu » ou « C'est le vent », etc. On déclenche ainsi une fabulation mais, en outre, on suggère d'emblée l'idée qu'une œuvre extérieure conditionne les mouvements du soleil. « L'art du clinicien consiste, non à faire répondre, mais àfaire parler librement et à découvrir les tendances spontanées au lieu de les canaliser et de les endiguer. » (p. IX)C'est l'étude des questions spontanées des enfants qui révèle leur intérêt pour différentes choses aux différents âges et permet de découvrir des représentations inattendues. Lorsqu'un enfant demande « Qui fait le soleil? », il énonce une conception d'un soleil dû à une activité fabricatrice. Ce renversement méthodologique du couple question-réponse est à la base de l'observation clinique et fonde les principes du fonctionnement interlocutoire de l'entretien.C'est également à la participation du malade qu'en appelle Freud lorsqu'il réfute la méthode cathartique3. L'abandon de la méthode cathartique directive et inductrice, la mise en place d'une technique où le patient dispose des moyens d'analyse de sa propre parole constituent une révolution épistémologique qui a renouvelé d'une manière radicale les dispositifs d'observation classiques de la psychopathologie.Énonçant la même position fondamentale, Rogers (1945) soutient que toute thérapie est incompatible avec une quelconque autorité. Le point de vue non directif confère pour Rogers une haute valeur à l'indépendance psychologique de chaque individu et au maintien de son intégrité psychique, alors que le point de vue directif s'inscrit dans les valeurs du conformisme social et du droit du « plus capable » à diriger le « moins capable ». La profession de foi de la non-directivité est ainsi une philosophie sociale et politique autant qu'une technique de thérapie et s'associe, comme telle, avec les thèmes de liberté et de démocratie, et leurs illusions, utopies et rêves de modifier les relations entre les hommes.Les grandes enquêtes sociales : de l'interrogatoire à l'écoute des indigents?>C'est également dans l'enquête sociale que s'élabore une nouvelle conception de l'investigation. À une époque où philanthropie et science sociale ne sont guère encore différenciées, l'enquête sociale est pratiquéepar des médecins, des « ingénieurs sociaux », des fonctionnaires, des prêtres, tous situés à la charnière entre les classes dominantes et dominées. L'enquête a pour sujet exclusif la condition morale et matérielle des pauvres, et pour arrière-plan une hiérarchie des savoirs solidement établie. L...
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