Unica zurn l'ecriture du vertige

Anouchka d' Anna

Cartouche

  • 29 septembre 2010

    Tout d’abord merci à Anouchka D’Anna de donner en cette rentrée littéraire une actualité à Unica Zürn, trop peu connue, dont la mémoire a marqué une élite littéraire. Aujourd’hui, seuls les esprits cultivés la connaissent.

    C’est un livre de résonances et de vibrations, l’œuvre et la personne d’Unica Zürn sont approchées, montrées, rencontrées par petites touches, effets de volutes, accumulations délicates, témoignages fragmentés, citations imbriquées de ses livres, diagnostics psychiatriques égarés, interprétations lumineuses ou hasardeuses, intuitions artistiques, catéchismes lacaniens, visions étranges, coïncidences poétiques, fusées théoriques deleuziennes. Anouchka décrit en le frôlant cet univers d’Unica, en plans distincts, en « tropismes » : la famille d’origine et celle qu’Unica constitue, son travail à UFA, les fameux studios de cinéma nazis, sa solitude, sa douleur, ses érotiques, son vertige et son génie, sa participation au courant du surréalisme à Berlin de l’après-guerre. Elle y rencontre Hans Bellmer, un coup de foudre, en 1953. Leur lien amoureux et artistique conduit Unica à s’installer à Paris avec lui où elle est reconnue par les surréaliste amis de Hans, elle est admirée par Michaux, Pieyre de Mandiargues, Ernst et bien d’autres. Unica, médium, est attirée par l’exactitude des choses, leur pouvoir magique, la décomposition, la limite, elle participe de la fascination collective pour la richesse langagière de la folie, pour la création artistique expérimentale au bord du danger, pour l’érotisme et ses transports, avec une intelligence élégante et sobre.
    Unica Zürn a écrit deux livres majeurs, Sombre printemps, L’homme-Jasmin, puis un livre au titre ironique Vacances à Maison Blanche. De nombreux dessins et anagrammes entrecroisent ses autres écrits.
    D’Anna fait se tresser poétiquement Zürn avec Duras, Camille Claudel, Rimbaud, Artaud, particulièrement, mais elle ne nous fait pas entrer véritablement dans l’aventure artistique érotique amoureuse entre Unica Zürn et Hans Bellmer. Est-ce volontaire ? ou bien n’ont-ils pas laissé de traces des folles richesses de leurs tourments ?
    On sait qu’ils étaient tous deux allemands, ils ont créé dans cette langue pendant et après le nazisme. On peut supposer qu’Unica, qui se disait masochiste, s’est artistiquement et érotiquement glissée dans La Poupée désarticulée de Bellmer, « anagramme vivant ».
    A l’instar de Camille Claudel avec Rodin, c’est d’avoir consenti à un avortement demandé par Bellmer qu’Unica est passée du côté des folies, délirantes, vertigineuses, « somnambuliques » ; elle fut plusieurs fois internée. Phénomène dramatique, terriblement daté, qui se produit au sein d’une rencontre amoureuse passionnée artistique où l’enfant auquel il faut renoncer, l’enfant qu’il faut sacrifier par l’avortement (ce n’est pas la même chose pour les abandons) prend valeur de place laissée vide par l’exigence masculine, pour la création artistique commune, moment de bascule dans un calvaire intime, une torture sacrificielle cachée, désastre spécifique aux femmes. Il suffit de se pencher sur les belles Clotho, la Valse, l’Age mûr, ou la Niobide blessée de Camille Claudel pour ressentir ce calvaire.
    L’écriture d’Anouchka, au style raffiné et parfois chuchoté, est certainement contaminée par les épiphanies d’Unica. Le pari d’Anouchka D’Anna est réussi car il nous donne l’impérative envie de retrouver ou de découvrir l’œuvre d’Unica Zürn, et de comprendre son lien avec celle de Hans Bellmer.