Tous nos corps, Histoires ultra-courtes

Georgi Gospodinov

Intervalles

  • Conseillé par
    5 décembre 2020

    Le sous-titre du livre, Histoires ultra-courtes, le résume parfaitement. Guéorgui Gospodinov, écrivain bulgare déplore dans la post-face la prépondérance du roman dans la littérature et le peu de place laissée aux autres genres. "Et pourtant, en ce qui me concerne, c'est ce potentiel subversif des petites histoires, leur capacité à échapper au joug du roman qui me plaisent. [...] Je veux dire qu'à une époque comme la nôtre, où l'on parle beaucoup et au hasard, comme au bistro, la bonne histoire courte vient nous donner la mesure de chaque mot. Et de chaque minute." (p. 139/141)

    J'aime beaucoup ce genre de recueils, mais il faut bien avouer que l'exercice est casse-gueule, l'auteur peut vite tomber dans l'historiette sans intérêt, ce qui est loin d'être le cas avec Guéorgui Gospodinov. Il y parle littérature, travail de l'écrivain. La nostalgie est également très présente ainsi que la Bulgarie, l'amour, la mort, Dieu, l'athéisme. Les gens que l'auteur a rencontrés ou inventés sont décrits dans leur quotidien, mais aussi leurs pensées, leurs questionnements, leurs peurs, angoisses, joies, bonheurs... Des histoires courtes voire très très courtes qui vont au plus direct et parfois, une phrase explose, ça peut-être la chute, mais pas toujours :

    "L'être humain n'est pas fait pour manger seul."

    "Je suis conscient, sans doute comme beaucoup d'autres avant moi, que, parmi mes souvenirs personnels, il y en a un grand nombre qui sont nés de livres. Lire produit des souvenirs."

    Les histoires de Guéorgui Gospodinov sont drôles, ubuesques, fantaisistes, tendres, oniriques, poétiques, réalistes, surréalistes, décalées, à chute souvent, sans chute parfois, il y a en elles un détail ou leur fond qui est à retenir, qui interroge ou simplement qui plaît. Une que j'aime beaucoup pour finir :

    "L'ange des livres non lus

    Ils sont là, quelque part, je les vois empilés l'un sur l'autre, tous les livres que je ne lirai pas. Le sommet de cette tour se perd dans les nuages et tout au-dessus se tient l'ange des livres non lus qui balance ses jambes.

    Certains de ces livres ne sont même pas encore écrits. Cette tour de Babel de ce qui n'a pas été lu croît de jour en jour, de plus en plus imposante.

    Parfois, j'ai l'impression que l'on peut atteindre Dieu par l'ignorance." (p. 134)

    Le genre de livres que l'on a plaisir à lire, à offrir et faire découvrir, car chacun y trouve, sauf à être totalement obtus, des histoires qui le touchent.