Vanou

Conseillé par
18 août 2014

C'est un témoignage rare que nous offre ici Ernst Jünger. Rare parce qu'il est l'un des seuls soldats a avoir tenu un journal pendant toute la durée de sa mobilisation. Autrement dit, pendant toute la guerre. La première entrée date du 30 décembre 1914 ; la dernière, du 10 septembre 1918. Et qui d'autres que les soldats peuvent mieux nous raconter cette guerre ?
Quatre ans de guerre dans les tranchées. Quatre ans qui nous sont restitués ici de manière brute, sans fioriture ni complaisance. Mais avec une grande froideur. L'auteur nous parle des bombes, des corps déchiquetés, des bruits de balle, de la pluie qui vous trempe jusqu'aux os, du froid, des camarades qui meurent avec un recul sans faille. Peut-être était-ce une manière pour lui de ne pas se laisser toucher par toute l'horreur.
Cela dit, nous pouvons suivre l'évolution de son caractère tout au long des pages. D'un jeune homme heureux de partir à la guerre et de tuer des ennemis, il finit par regretter la paix et se demander à quoi peut bien rimer cette guerre. Il démontre également son absurdité lorsqu'il nous raconte ses discussions "très intéressantes" avec les Anglais, puis les échanges de tirs avec ses mêmes personnes.
Un "must read" pour quiconque souhaite en savoir plus sur les conditions de vie des soldats pendant la première Guerre Mondiale.
Je remercie la librairie Dialogues pour ce partenariat.

Leopoldo Brizuela

Le Seuil

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27 juillet 2014

Un cambriolage, quoi de plus banal ? Sauf lorsque celui-ci a lieu sous protection de la police. Sauf lorsque la même chose s'est produit dans la même maison quelques 30 ans plus tôt. Sauf lorsque le premier s'est déroulé en plein pendant la dictature argentine.

C'est une lecture bien dense que nous offre ici Leopoldo Brizuela. Une lecture exigeante, dans laquelle l'auteur nous perd parfois un peu. Car si ce dernier a une écriture poétique et qu'il parvient à nous plonger avec lui au sein de la dictature qu'a connu l'Argentine, j'avoue qu'il m'a aussi parfois perdue. Phrases trop longues, propos parfois compliqués.

La mémoire est au cœur de cette histoire. Alternant l'année 2010, où le narrateur décide d'écrire le livre même que nous lisons, et celle de 1976, nous suivons la pensée de Leonardo Bazán pour essayer de se souvenir de cette fameuse nuit de 1976, de ce dont il a été témoin alors qu'il n'était encore qu'un tout jeune adolescent et qu'il n'a jamais osé révélé à qui que ce soit. Et qui a oublié. Oublier pour se protéger et se dédommager de toute culpabilité.

Quel rôle son père a-t-il joué en 1976 ? Quel lien existe-t-il entre ce cambriolage de 2010 et celui qui a eu lieu 30 ans plus tôt dans cette même maison ? L'auteur nous délivre les indices, les détails et les réponses, au compte-goutte, tout au long des 28 chapitres que compose son ouvrage.

et autres nouvelles

Folio

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24 août 2010

Les quatre nouvelles de ce recueil mettent en scène des personnages bien différents les uns des autres, et nous montrent chacune une facette différente du Japon.

La nouvelle la plus marquante est intitulée Patriotisme. Elle relate le suicide d'un samouraï qui refuse de se battre contre ses anciens frères d'armes devenus renégats, et de celui de sa femme qui, par amour, prend la décision de suivre son mari dans la mort. La scène de la mort du mari est d'une description minutieuse et, je dois bien le dire, d'une certaine violence.

Les sept ponts et La perle n'ont que des femmes comme personnages. La première raconte les croyances que pouvaient avoir les Japonaises à une certaine époque tandis que la seconde est plus liée à la réputation qu'il ne faut surtout pas voir ternir.

Dojoji, la première nouvelle du recueil, est une scénette basée sur la beauté de Kioyoko, danseuse, qui a été délaissé par son amant pour une femme plus âgée que lui. Je crois que c'est l'histoire à laquelle j'aie été le moins réceptive.

Yukio Mishima a vraiment une très jolie plume et même si je n'aime pas particulièrement les nouvelles, j'ai réellement été embarqué dans ces quelques pages qui m'ont donné envie de découvrir plus profondément cet auteur !

Au cœur du roman du dix-neuvième siècle

Gallimard

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27 juillet 2010

J'ai entamé le prologue de 87 pages enthousiaste et ravie de lire un essai sur le Mal dans la littérature classique, chez les grands auteurs : Dumas, Stevenson, Poe, Austen, Dostoïevski, et chez d'autres que je n'ai jamais lu.

Je dois dire qu'il vaut mieux avoir lu les oeuvres cités dans cet ouvrage, sous peine de n'avoir pas la moindre idée de ce dont Pietro Citati parle et d'être totalement perdu. J'ai bien essayé de suivre le fil de ses idées, mais lorsque vous ne connaissez ni les personnages, ni même l'histoire d'une oeuvre, il faut bien dire que ce n'est pas simple. J'ai donc pris le parti de ne lire que les chapitres concernant des auteurs et des oeuvres que je connaissais, ce qui me laissait encore pas mal de pages à lire.

Dans les prochaines lignes, vous trouverez quelques petites choses anecdotiques que j'ai apprises sur certains auteurs.

Jane Austen : Les premières pages consacrées à Jane Austen nous parle des lettres qu'elle écrivit, principalement à une de ses soeurs, de ses voyages avec sa famille et des derniers jours de sa vie.

Les suivantes sont une analyse rapide de ses oeuvres. Selon Pietro Citati, aucun des personnages féminins présents dans les livres de Austen ne sont inventés de toute pièce. Chacun d'entre eux représente une part de la personnalité de Jane Austen. Ils ne seraient qu'une projection d'elle-même.
"(...) Peut-être sont-elles des projestions. Peut-être que, chaque fois, Jane Austen s'immergeait en elle-même ; elle contemplait une partie de son être, qui se révélait alors à elle, et en façonnait un personnage qui ensuite se détachait d'elle et s'éloignait d'un pas léger, pour devenir une figure."

Alexandre Dumas : Peut-être que vous le saviez déjà, mais j'ai appris qu'Alexandre avait failli être le filleul de Napoléon et Joséphine. "Faillit" parce qu'au dernier moment, ces deux-là n'ont pas respecté leur promesse.
Lorsqu'il est monté à Paris, à vingt ans, il ne connaissait absolument rien à la littérature. Alors comment en est-il venu à écrire me demanderez-vous ? Et bien, il semblerait qu'il était très ambitieux et qu'il voulait conquérir notre bonne vieille capitale. Or à cette époque, Paris était la ville du théâtre et des mots par excellence et quoi de mieux que de devenir écrivain pour arriver à ses fins ?
Enfin, et ce n'est pas très glorieux, si Alexandre Dumas a produit des centaines et des centaines d'écrits en tout genre, c'est en grande partie parce qu'ils avaient dérobé ceux-ci. Il se "contentait" de les arranger "à sa sauce".

Edgard Poe : Il semblerait bien que monsieur passait son temps à mentir pour tout et n'importe quoi.
"Poe mentait toujours, systématiqument, sans aucune raison et sans but, déformants des faits insignifiants." (p159)
Il est mort seul, aucun membre de sa famille n'étant même venu pour ses funérailles.

Je vous passe Charles Dickens qui, selon l'auteur, est vraiment merveilleux.

Dostoïevski a écrit Crime et Châtiment après avoir lu dans un journal qu'un jeune homme avait assassiné deux vieilles femmes.

Lewis Caroll n'était qu'un psudonyme. En réalité, Lewis s'appelait Charles Lutwidge Dogson et il était révérend. Il cultivait des amitiés avec des petites filles qu'il invitait chez lui et prenait en photo. Ce qui, entre nous, je trouve un peu étrange.

Je crois que vous aurez remarqué que dans ce que j'ai raconté, il n'y a aucun lien avec le Mal comme le laissait supposer le titre. Et pour cause, l'auteur n'en parle absolument pas. Cet essai est plus une analyse/biographie des auteurs, de leurs oeuvres et de leurs personnages.

J'ai apprécié la simplicité de l'oeuvre. Ce n'est pas un de ses essais où vous ne comprenez rien à ce que l'auteur raconte et où vous êtes obligé de regarder dans le dictionnaire tous les trois mots. Non, cet essai est tout à fait clair et facile à comprendre et je m'y replongerai volontiers quand j'aurai lu les autres ouvrages et auteurs cités. Autre avantage, vous n'avez pas besoin de le lire d'un traite. Vous pouvez passer directement d'un chapitre à un autre en fonction de ce que vous lisez, revenir en arrière, sauter 150 pages, tout est possible.

Je recommande donc, mais pas en tant qu'ouvrage sur le mal chez les auteurs du XIXème siècle.

Conseillé par
28 juin 2010

Vanou

Quand j'ai demandé à la Librairie Dialogue si je pouvais chroniquer ce livre, je ne savais pas trop à quoi m'attendre mais le titre me plaisait bien. Et bien, je peux maintenant dire qu'il n'y a pas que le titre qui m'ait plu !

J'ai reçu la version non corrigée alors du coup, il manque un mot ou une lettre de temps en temps mais rien de bien méchant, et ça ne gêne en rien la lecture.

C'est l'histoire de ce couple, Laura et Julio, qui ne communique pas, qui ne se parle que pour se dire des banalités. Sauf quand Manuel est présent. Là, c'est différent, ils se débrouillent un peu mieux, ils arrivent à se parler par personne interposée. Puis Manuel tombe dans le coma et tout tombe par terre. Laura met Julio dehors. Ce dernier emménage dans l'appartement de Manuel, porte ses vêtements, vit un peu sa vie...

Au début, je pensais que le couple avait la soixantaine. Je ne sais pas pourquoi je m'étais mise ça en tête. Peut-être à cause de la description faite par l'auteur de leur manière de vivre.

Ici, pas de dialogues inutiles, nous sommes surtout dans la tête de Julio. Et j'ai aimé y être. J'ai aimé l'écriture et le style de l'auteur, qui sont pourtant simples ! C'était vraiment très agréable comme lecture. Mais je crois que le mieux est encore de découvrir par vous-même ces 190 pages que je recommande encore et encore !