Pascale B.

Conseillé par
23 octobre 2023

Cœur libre amoureux

Née en 1898, Léonie Bathiat, enfant « mal élevée » aurait pu mener une vie rurale et modeste, mais son destin fut tout autre. Devenue très jeune autodidacte, cette passionnée d’amour et de liberté, une « prête à tout » inébranlable ; devint une comédienne de renom. Elle fut une personnalité singulière et marquante des années 30 à 50.

Nicolas d’Estienne d’Orves adopte une approche narrative à la première personne permettant à Arletty d’évoquer son parcours de femme devenue indépendante, affranchie d’attaches, guidée par ses choix avant-gardistes.
À partir de sources biographiques existantes, avec une écriture pleine d’esprit et de mots choisis, l’auteur nous raconte son enfance, sa vie d’actrice, ses amours chaotiques, ses rencontres marquantes, ses états d’âmes, son franc-parler.

Passionnant, foisonnant d’anecdotes, bien écrit..

« Aucun enfant ne devrait connaître la souffrance de ses parents. C’est comme les surprendre à faire l’amour. Il est des choses qui doivent garder la chambre »

« Si les femmes participaient aux guerres, elles dureraient moins longtemps »

« Sacha a toujours aimé qu’on lui tienne la chandelle, plaisantait-il, assez méchamment. La sienne est si petite qu’il a besoin de lumière pour la trouver »

« Quand bien même, ces condamnations étaient une roulette russe. Trenet et Tino Rossi auraient maille à partir avec la justice alors que la môme Piaf, cette abominable punaise, avait passé la guerre dans un bordel et se gobergeait grâce au marché noir, avec les caciques de la Gestapo française. »

Conseillé par
19 octobre 2023

Le fils spirituel

En pleine forêt, à l’abri des regards, le chasseur « Messire » piège des migrants de passage, se réservant les enfants pour en faire ses esclaves domestique et sexuel ou les vendre. Parmi eux se distingue « Gun Aydrinn » par sa volonté, l’ogre décide de le former à l’art de la chasse.
Michel Hauteville utilise une narration alternée mettant en scène les perspectives du bourreau et de l’enfant pour décrire la relation sournoise qui s’installe entre eux. Dressé jusqu’à l’effacement, le jeune garçon doit ressentir la souffrance de la servitude et nourrir une profonde aversion afin de gagner un implacable instinct meurtrier qui servira sa vengeance.

Le style est irrégulier, singulier ; le texte abrupt et percutant, servant à souhait la vulgarité d’une situation sordide. Parallèlement à cette brutalité physique et mentale omniprésente, le récit déroule une analyse méticuleuse des relations de pouvoir et de domination ainsi que leur impact sur la conscience des individus impliqués. La pression est constante dans cette subtile confrontation et les tactiques employées. Sont-ils dupes de leurs manœuvres respectives ?

Morbide, mais fascinant.

« Le maître au moins m’aura appris les vertus de la violence envers soi-même »

« La faim produit de ces cas pénibles de déshumanisation… La gamine s’est alors emparée du gobelet… pour vampiriser le liquide entre ses lèvres avides »

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16 octobre 2023

« Les merveilleux »

1860. Royaume Ashanti (Ghana).

Nous suivons Kofi, un garçon de 11 ans qui évolue dans son quotidien, entouré de sa famille et de ses amis, vivant dans la tribu de Upper Kwanta, opposée à celle de Lower Kwanta, dont les différents sont arbitrés par un conseil de sages.
Kofi, le narrateur, partage ses ressentis et rêves d’enfant, sa culture, sa scolarité anglicisée.

L’écriture de ce roman est une véritable cascade de mots dégringolant, occupant inégalement les pages, créant une succession de tableaux…. Elle décrit avec fluidité des scènes, dialogues ou souvenirs ; les courts chapitres rendent la lecture aisée d’un texte magnifié par une poésie mélodique et aléatoire en vers libres ou anastrophes.

Cette narration personnelle et authentique plonge le lecteur au cœur des traditions de ce peuple. Le destin tragique infligé par les « gens sans couleur » est amené avec sensibilité et habileté.

Premier volume captivant d’une trilogie prometteuse.

« Un homme édenté n’a nulle sagesse à proférer »

« Les liens familiaux sont comme les cours d’eau. Ils se courbent, mais ne cassent jamais »

« Lorsque les ravisseurs de minuit son village ont assailli, d’elle se sont emparés, et son promis ont tué »

« Nana dit que les étoiles sont les yeux du passé qui veillent sur nous »

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11 octobre 2023

Chang et Eng face au monde

En 1811, au Siam, l’arrivée de deux enfants fusionnés par le sternum perturba une famille modeste de pêcheurs. Par superstition, le roi les condamna à mort. Cependant, la ténacité de leur mère et leur épanouissement physique et intellectuel finirent par susciter la curiosité plutôt que l’inquiétude.

Le roman infiltre le lecteur dans le destin extraordinaire de ces frères siamois qui furent exhibés pour leurs performances à guichets fermés à travers les États-Unis, l’Angleterre et la France. Ils réussirent à s’affranchir de leur condition d’esclavage et de la discrimination grâce à leur éducation et leur détermination à être considérés dans une société réactionnaire.

Laurent Bénégui nous offre un récit captivant et nous transporte au plus près du vécu et du ressenti de ces deux hommes et de leurs épouses, privés de solitude.

Parcourant le monde, subissant les affres de la guerre, déçus par l’opinion du corps scientifique opposé à leur séparation chirurgicale ; Chang et Eng ont marqué les esprits par leur longévité exceptionnelle et leurs descendants.

Un bel éloge de l’acceptation de la différence.

NB : Leur renommée mondiale est à l'origine de l'expression « frères siamois ».

« Si elle acceptait de l’aimer, leur vaisseau n’aurait pour phares que la tendresse et le respect, pour port, que ses bras attentionnés »

« Leur vie aurait pu continuer à l’identique, maintenant que le succès des dernières tournées avait éloigné le spectre de la banqueroute, toutefois, elles n’avaient pas le cœur de contester à Chang et à Eng le droit légitime à la solitude. «

« …. il ne conseillait à personne d’essayer de les séparer. Le risque était trop grand de bouleverser le système »

Les Éditions Noir sur Blanc

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9 octobre 2023

La guirlande

Pendant la terrible famine qui a suivi la révolution bolchévique dans les années 1920 en URSS, un jeune officier de l’Armée rouge se voit confier la mission exceptionnelle : escorter 500 enfants vers Samarcande, une région épargnée par la famine, à bord d’un train improvisé.
Ce voyage épique de 4000 Kms mettra à l’épreuve les passagers, mais les rencontres ponctuant le trajet seront marquées par une solidarité inhabituelle, parfois rocambolesque, de la part de tchékistes, hors-la-loi ou Basmatchi du Turkestan et autres ennemis faisant preuve d’une humanité essentielle pour la survie des enfants.
Le personnage de Deiev, évoquant par remords ses actes passés, incarne à la fois l’obscurité d’un tueur et la compassion d’un sauveur d’enfants, naviguant constamment dans la culpabilité. Durant ce périple, il tente de réparer ses fautes s’engageant dans une quête de rédemption en se démenant corps et âme pour nourrir ces enfants.
Gouzel Lakhina nous transporte magistralement dans ce convoi de famine, de guerre et de choléra, avec un langage d’une grande richesse visuelle et à travers 500 surnoms significatifs. C’est une histoire incroyablement humaine, émouvante, parfois teintée d’humour malgré l’horreur des situations décrites. Ce récit se révèle addictif pour le lecteur espérant une fin plus reposante…

« De petites langues sèches et rêches, des dents minuscules s’affairaient sur chacun des doigts de Blanche… »

« À l’intérieur de moi vit la guerre. Elle se déroule chaque nuit…. »