Pascale B.

Conseillé par
29 septembre 2023

Ségrégation et militantisme

Après des années d’apprentissage à Paris, un couple de Marocains retourne à Casablanca, leur ancrage familial, avec la volonté d’utiliser leurs compétences pour contribuer à changer le pays.
May, dans les pages de son journal de grossesse, exprime sa profonde aspiration à la justice sociale et à l’égalité. Cependant, son retour la confronte à la division profonde de la ville entre partie européenne et ville populaire.
Son désir d’écrire sur les habitants du bidonville El Bahriyine naît de sa volonté de mettre en lumière les enjeux invisibles liés au relogement de ses résidents.
Malgré la complexité de son style, caractérisé par des phrases assez longues, les sujets abordés sont essentiels et préoccupants, notamment la relégation sociale et l’impact dévastateur du déplacement des habitants pour récupérer des terrains en centre-ville au détriment des plus pauvres…. Les rencontres que fait May sont très émouvantes et chargées d’humanité, de partage, et mériteraient une réhabilitation….

Engagé.

« Tout de moi a été engagé dans les liens que nous avons tissés. »

Viviane Hamy

Conseillé par
26 septembre 2023

« Les anges de Mons »

L’autobiographie de Vera Brittain, infirmière volontaire engagée dans la Grande Guerre, retrace la naissance d’une féministe déterminée, non conformiste, pacifiste.

Fuyant le snobisme, elle trouve refuge et liberté à Oxford pour étudier, mais son destin fut impacté par la première guerre mondiale. Elle fit ses débuts d’infirmières en 1915, fréquentant plusieurs hôpitaux jusqu’à Malte, toujours espérant se rapprocher de son frère enrôlé ou de son amoureux « héroïque dans l’abstrait » ….
Pudique et chaste, déplorant le masochisme, elle traversa cette guerre, l’attente, la perte de ses proches et le sacrifice avec colère et rancœur, vivant dans l’ombre de la mort.

Vera, conférencière et oratrice, partage ses réflexions philosophiques, sociologiques, politiques ainsi que ses sentiments fraternels et romantiques ; ponctuant son récit de partitions musicales, de poèmes et de correspondances épistolaires….
Son style d’écriture est fluide et consciencieux.

« J’avais trouvé moyen de m’évader de ma prison provinciale abhorrée, et voilà que la voie de la libération qui m’avait tant coûté allait m’être barrée par une bombe serbe envoyée à l’autre bout de l’Europe contre un archiduc autrichien. Il n’est donc peut-être pas surprenant que la guerre m’ait tout d’abord fait l’effet d’une interruption personnelle insupportable plutôt que d’une catastrophe mondiale »

« Je me sentais toujours survivante par hasard d’une autre vie…. »

« Nous ne sommes d’aucune aide pour ceux qui sont morts, et le seul moyen de leur rendre un peu hommage, c’est au travers de celui qui reste »

Conseillé par
20 septembre 2023

Ours à problème

Le roman se déploie à travers deux périodes temporelles dans la vallée de l’Ariège.
Nous suivons Jules en 1889, saltimbanque « dresseur d’ours » partant s’enrichir aux États-Unis. De nos jours, Gaspard et Alma, fascinés par la montagne : Gaspard s’occupe de la transhumance tandis qu’Alma tente d’apporter des solutions en faveur d’une cohabitation entre les villageois et les ours réintroduits.
L’ours, emblématique des Pyrénées, divise la population en raison de ses attaques sur les troupeaux. Le roman explore cette controverse tout en décrivant au plus près les conditions de la vie pastorale, la domination, la désillusion.
Les bergers grimpent, la tension monte….
Le parcours de Jules, semé de rencontres et d’embuches, la culpabilité de Gaspard qui ne guérit pas, la ténacité d’Alma ; rendent les personnages attachants.
Récit très documenté et précis. Une lecture incontournable pour ceux intéressés par l’histoire, la montagne et les enjeux de conservation de la faune sauvage.

« L’estive offrait toute la palette des expériences sensorielles »
« Alma sourit. Elle allait se glisser dans les pas de l’ourse, dans sa peau, un projet rêvé pour une naturaliste, et devenir animale »

« Tu vois, souvent j’ai peur de n’avoir pas assez transmis…. Qui va garder les histoires des anciens ? »

Anne Carrière

Conseillé par
20 septembre 2023

Reine des glaces

Christa hérite, à la mort de ses grands-parents, de la tutelle de sa mère biologique, internée depuis des décennies, comme « mise en veille ». Elle découvre qu’elle est génétiquement liée à sa mère par une maladie neurodégénérative, privant le patient de ses émotions. Christa est décidée à en découdre.
80 ans plus tard, le monde est transformé par le transhumanisme et le roman prend la forme d’un débat sur la conscience des machines et les attentes de l’humanité envers l’avenir.

L’invention fictive de la maladie de Damasio sert de base à un récit original centré sur une quête identitaire à travers les aspects scientifiques tels que la mémoire, la neurobiologie et la génétique.
Le rapport aux émotions et sentiments est le fil rouge de ce roman qui pourrait s’apparenter à un essai, la partie romanesque laissant la place à la quête scientifique et l’intelligence artificielle.

Une réflexion complexe sur les technologies d’aujourd’hui et du futur…. Leur appropriation et leur exploitation par l’homme.
Pour des lecteurs gourmands de science et biotechnologies, rigoureux pour une lecture intense.

« Sais-tu seulement jusqu’où je t’aime ? Jusqu’à l’infini. Aller et retour. Deux fois »

Denoël

Conseillé par
18 septembre 2023

Quête maternelle

Le roman se déroule à la fin des années 70 en Angleterre et en Jamaïque.
Yamaye réside en périphérie de Londres avec son père, occupe un poste à l’usine en semaine et fréquente le week-end la Crypte, club underground vibrant au son de la musique jamaïcaine. Elle y tombe amoureuse de Moose. Cependant, un évènement tragique vient bouleverser son existence…

Yamaye doit affronter la brutalité policière, le racisme, la violence des gangs, tout en aspirant à retrouver sa liberté. Sa connexion avec les âmes disparues lui offre une échappatoire salvatrice.

Le récit, très réaliste, oscille entre l’intime, le politico-social, imprégné de lyrique et de patois du début à la fin. L’histoire mêle habilement humour, déboires, passion et désillusion.

La culture caribéenne est mise en avant, notamment le dub reggae qui résonne dans les clubs. L’amour, la douleur, l’injustice, les émeutes, la peur, la suspicion et la délation sont autant de thèmes explorés dans cette œuvre

L’écriture est vibrante et déterminée, bien rythmée.

« Arasa guide Moose à travers la ville, une ville de temples sikhs, d’églises, de mosquées, de tours. Le cimetière de la Résurrection. Chez nous, il y a plus d’ossements que de vivants »
« C’est une des raisons pour lesquelles je reste là. Je veux pas être loin de ce qui reste d’elle. J’attends qu’Irving m’en dise plus. J’attends qu’il m’aime de la même manière qu’il a dû l’aimer, elle, avant »
« Le seul endroit à vivre et se déchaîner, c’est dans nos cœurs »