Colloque - La Fraternité à l'épreuve de la déportation - Université Catholique de Lille

En 1944, Ravensbrück est en grande partie un camp de femmes. Mila a vingt-deux ans quand elle arrive à l’entrée du camp. Autour d’elle, quatre cents visages apeurés. Dans les baraquements, chacune de ces femmes va devoir trouver l’énergie de survivre, au très profond d’elle-même, puiser chaque jour la force d’imaginer demain. Et Mila est enceinte mais pour l’instant ne le sait pas.
“D’abord, il y eut cette rencontre, un jour de mars 2010 : un homme de soixante-cinq ans se tient là devant moi, et se présente comme déporté politique à Ravensbrück. Outre que c’est un homme (à l’époque j’ignorais l’existence d’un tout petit camp d’hommes non loin du Lager des femmes) il n’a surtout pas l’âge d’un déporté. Mais d’emblée il m’annonce qu’il est né à Ravensbrück. Des bébés ont donc vu le jour à Ravensbrück, et quoique leur existence y ait été éphémère, ils y ont à leur échelle, grandi.
J’ai rencontré deux enfants sortis vivants de ce camp, ils sont si peu nombreux, et puis une mère, aussi. Et la puéricultrice de la Kinderzimmer, une Française qui avait alors tout juste dix-sept ans.”
Cette pouponnière, ou plus précisément cette Kinderzimmer, est inimaginable dans un camp de déportés. Mais tout en ces lieux de destruction, d’avilissement et de mort est inimaginable. Et c’est dans cet impensable-là que se situe ce livre. Car il ne tente pas de raconter l’histoire mais de l’accomplir, collé à la peau de Mila, le personnage fictif du roman, cette jeune femme qui arrive en 1944 parmi quatre cents autres, dans un lieu qu’elle ne situe pas, accueillie par des hurlements qu’elle ne comprend pas. Cette petite, enceinte, qui s’avance enceinte sans même savoir ce que son corps va subir de modifications et de troubles pour mettre au monde un enfant, sans même savoir ce que son œil perçoit à l’instant même où se referme derrière elle la porte du wagon ; cette toute jeune femme n’a pas idée de ce qu’elle va devoir affronter.
Défaire la mémoire, le témoin parlant forcément depuis un lieu où il connaît déjà toute l’histoire, écrire au plus près de ces femmes qui n’étaient pas toutes des héroïnes, des militantes chevronnées aguerries par la politique et la Résistance, suivre celles dont l’héroïsme se situait à chaque instant dans l’accomplissement de gestes minuscules du quotidien du camp et dans ce soin donné soudain aux plus fragiles. Mila est l’une d’elles.
Ce roman naît là où se séparent le témoignage et l’indicible et seule la littérature peut s’inscrire en ces lieux. Kinderzimmer est un roman grave et lumineux qui suit pas à pas le cheminement d’un être dont la volonté de vivre s’emploie à la maîtrise silencieuse de l’instant présent. Pas à pas, Mila gagne du temps, préserve son regard, scrute l’espace du hasard, celui de l’espoir et de la beauté. Mila résiste et soudain, comme à part soi, donne la vie.


Thomas Keneally

J'ai Lu

«Les survivants se rappellent cette liste avec une telle émotion que la réalité se brouille. La liste, c'était le bien absolu. C'était la vie. Au-delà de ces quelques feuillets bourrés de noms, il n'y avait plus qu'un trou noir.»

Traité comme un roman, La liste de Schindler est un hommage à l'Allemand Oskar Schindler. Durant la Seconde Guerre mondiale, ce dernier utilisa sa position dominante et ses relations parmi les SS pour sauver mille deux cents Juifs d'une mort certaine.

La liste recensait les ouvriers qu'il comptait faire transférer de Pologne en Tchécoslovaquie, et pour lesquels il n'hésita pas à dépenser plus de cent mille reichmarks en pots-de-vin.

Aujourd'hui, un arbre à Jérusalem porte son nom.


Barré, Mozolewska

Cosmogone


(texte provisoire)
De Klaus Mann, fils aîné de Thomas Mann, on connaît surtout son roman Mephisto et son autobiographie, Le Tournant, qui finirent par éclipser son incessante activité politique. Pourtant, le jeune homme aux allures de dandy fut en son temps l¿un des plus farouches opposants à Hitler. De 1925 à 1948, en Allemagne puis en exil, il multiplia articles, essais, conférences et discours, tous écrits d¿une plume aussi fervente qu¿acérée. Celui qui très tôt eut le sentiment d¿appartenir à une génération sacrifiée, née et élevée sur des ruines, fut l¿un des premiers intellectuels à dénoncer le caractère totalitaire du nazisme ainsi que sa nature excessivement méthodique. Pour la plupart inédits en France, ces soixante-sept textes se révèlent d¿une vigueur et d¿une clairvoyance remarquables. Universels, les écrits de Klaus Mann résonnent aujourd¿hui aussi fort qu¿hier ¿ le combat engagé contre la barbarie étant, hélas, loin d¿être terminé.
Klaus Mann (1906-1949) Né le 18 novembre 1906 à Munich, il entre en littérature au début de la république de Weimar. Adversaire du nazisme, il quitte l¿Allemagne en 1933 et est déchu de sa nationalité en 1935. Il se suicide à Cannes, le 21 mai 1949. Son talent s¿est aussi bien exprimé dans le roman que l¿essai, le théâtre et l¿autobiographie. Son ¿uvre est aujourd¿hui considérée comme l¿un des plus importantes de la littérature allemande.


Les idées, les arts, les sociétés
Notre siècle a totalement transformé le statut de l'homme ; celui-ci est désormais un membre d'un ensemble qui le dépasse, et dont il ne peut s'échapper. Il vit dans un monde où la technique prend de plus en plus d'importance, et où le politique s'impose sans possibilité d'écart ou de fuite. Ce monde est également celui des pires violences, de la barbarie généralisée. Hannah Arendt commence ici sa réflexion sur l'originalité radicale de notre époque. Elle pose les bases d'une réflexion qui permettra, peut-être, de se donner les moyens d'éviter les dérapages vers la violence aveugle, en comprenant en profondeur la dimension de " l'homme moderne ". Un nouvel humanisme ?